Pour faire ce bilan de l’année rap, j’ai demandé poliment à quelques uns de mes filtres, commentateurs, hommes-liens et illustrateurs préférés de me prêter main forte. Chacun d’entre eux reviendra sur ce qui l’a marqué cette année dans sa scène locale de prédilection. Les sections seront ouvertes au compte goutte au fil des jours, retrouvez entre parenthèses, sous le titre, qui en est l’auteur et qui en est l’illustrateur. C’est parti pour un tour des Etats-Unis et de l’année passée, en toute subjectivité, traversé par quelques tops, trophées et autres blablas sur les albums et personnalités qui ont marqué 2013. (illustration : Stephen Vuillemin)
Ka a la voix des hommes habituellement silencieux, des muets volontaires qui préfèrent se taire parce qu’ils en ont trop vu. Alors Night’s Gambit, occasion d’entrer dans les souvenirs du tourmenté Ka, sonne comme s’il avait été enregistré dans le confessionnal d’une église.
Le quartier de Brownsville tel que décrit ici est sombre, sale comme les murs d’un vieux donjon moyenâgeux dans lequel on s’enfonce lentement au cours du disque. Le timbre monotone et calme de Ka, son flow quasi susurré et conversationnel, aident à nous plonger, inexorablement, dans les abysses de Brooklyn et là où le MC se cache ; où il se cache de la crasse de New York et du regard de Dieu, qu’il ne veut surtout pas voir en témoin de ce que la vie de Brownsville l’a forcé à faire.
On retrouve, comme dans Grief Pedigree, les textes fourmillants de références, labyrinthes de détails qui demandent plusieurs écoutes afin d’en connaître chaque recoin. Mais là où Ka fait un vrai bon en avant par rapport à son précédent album, c’est du côté des productions. Celles-ci participent grandement à la sensation d’écouter le disque dans une vieille église abandonnée. Des samples très discrets et des bass qui le sont toutes autant, pour que l’ensemble ne soit rien de plus que la bande son des scènes décrites par Ka. Parfois presque absentes, les rythmiques peuvent êtres remplacées par des bruitages sourds, comme ces mécanismes d’horloges sur « Our Father » qui semblent résonner depuis la boite crânienne en ébullition du rappeur. Seules quelques prods plus soul viennent faire respirer l’auditeur, sinon étouffé dans cette ambiance pesante, qui donne l’impression de nous faire porter, avec Ka, le monde sur nos épaules. Ecouter « Peace Akhi » au casque, oppressé par sa production lente et industrielle, et sous la canicule de ces derniers jours, est une expérience au moins aussi traumatisante que de porter une doudoune dans un sauna.
Avec Knight’s Gambit, Ka tient son meilleur album et un des meilleurs projets de l’année. Et il prouve que l’on peut approcher la quarantaine, faire du rap connoté 90’s, tout en continuant à expérimenter et à proposer une musique neuve et personnelle.
L’église où nait la musique de Tree, toute aussi chargée en référence religieuse, est bien moins sombre que celle de Ka. La formule de Sunday School II reste la même que pour le précédent volume : des samples de soul pitchés, comme édités par une version crasseuse de No I.D., et calés sur des rythmiques trap. Le tout est porté par la voix de soulman, rocailleuse et saturée du rappeur, pour un style que ce dernier appelle « Soultrap ». Entre rap d’église et gospel de rue, Tree raconte Chicago, ses quartiers, ses habitants et sa tradition musicale. Tout dans Sunday School II, du grain des prods à la voix du rappeur, apparaît comme un interstice entre le beau et le laid : Tree embellît la pauvreté quand il la contemple et la raconte de sa voix éraillée, sali ses samples pour les rendre plus jolis et fait de son album un espèce de rayon de soleil dans les nuits glaciales de Chicago. Le projet trouve dans cet entre-deux toute sa cohérence, et rend pleinement compte de la personnalité toute en nuances de Tree, vieux routard du rap coincé entre la rue et l’église.
En ayant réglé le problème de mix/mastering et diversifié ses sonorités en faisant appel à d’autres producteurs (l’orgue boom-bap de « Safe to say », la rythmique de Bink! sur « Devotion » ou l’espèce de turbine synthétique sur « Busters »), Tree livre un album qui n’a peut-être pas les singles du premier volume, mais qui dans sa totalité est un bien meilleur projet.
Autre album pour partir à la rencontre de Dieu, indispensable ce semestre : Kanye West – Yeezus
Bando : diminutif d’ « abandonned house », soit une de ces maisons inhabitées dont les fenêtres ont été recouvertes de planches en bois et autres morceaux de cageots endommagés. Ce qu’il s’y passe ne nous regarde pas, et tant que leurs résidents continueront à nous abreuver en musique, on fera mine de ne pas savoir. Les derniers arrivés dans le business du squattage de bandos, tout le monde les connaît depuis que Drake a commis un remix de « Versace ». Avant ça, Migos étaient déjà un petit phénomène à Atlanta, à l’affiche d’une soirée, souvent en compagnie de Que, chaque soir de la semaine depuis un an.
Le titre qui les a lancé « Bando » est le résultat d’une enfance bercée par le rap d’Atlanta post-2005: Zaytoven, OJ Da Juiceman, Soulja Boy, Gucci Mane, Travis Porter, et Future. Aucune de ces figures locales n’ont travaillé sur ce titre, mais on y perçoit nettement l’influence de chacune.
Alors forcément, quand Yung LA est tombé sur le titre, il s’est empressé de le faire écouter à Zaytoven qui à son tour n’a pas hésité longtemps avant de prendre le trio sous son aile. Aujourd’hui Migos est devenu le chainon manquant entre OJ Da Juiceman et Future, et a arrive à se faire accepter avec un genre de rap qui était (en dehors d’Atlanta) encore trop souvent ignoré ou moqué il y a quelques années. En 2009 Juiceman se faisait huer à New York quand il venait performer « Early Morning », il y a quelques mois, TakeOff et Quavo, venus chanter « Versace », étaient reçus comme des princes au même endroit.
Plus discrète que les explosives « Versace » et « Hanna Montana », « R.I.P. » est en réalité une des chansons de rap les plus incroyables de ces derniers mois. A première vue complètement déstructurée, avec un assemblage qui peut sembler improvisé de phrases, syllabes, adlibs, accélérations ou petites onomatopées, on se rend rapidement compte que tout ce capharnaüm est précisément millimétré. Les Migos ne sont jamais célébrés pour leur technique, mais le feeling extra-terrestre qu’ils développent sur ce titre démontre qu’ils ne sont pas que des machines à gimmicks, et que leur divertissement est façonné avec un compas dans l’oreille.
Pour le reste, Migos c’est ça, du divertissement. Et tout est toujours utilisé dans l’optique de créer quelque chose de fun. Même le double-temps, que les rappeurs utilisent trop souvent pour des démonstrations un peu creuses de technique, ne sert ici qu’à faire danser.
Comme à chaque saison de rap depuis presque une décennie, le saint patron des bandos revient avec une fournée de psaumes. Essayons de sortir des questions ressassées à chacune de ses sorties, mythes et légendes sur son retour ou sa déchéance, interrogations sur les étapes de sa carrière ou sur l’état mental dans lequel il se trouve, pour simplement voir ce que cet album a dans le bidon.
Trap House III est loin d’être parfait, avec quelques titres qui se ressemblent trop et d’autres qu’on à l’impression d’avoir déjà entendu. Mais dans son hyper productivité, Gucci Mane continue de tailler quelques perles et d’explorer de nouvelles choses. Confirmation de ce que laissait entendre « Scholar » sur Trap God II, Gucci s’est mis à l’émotion et l’introspection, peut-être même teintées d’une pointe de regret ? Il a su parfaitement retranscrire tout cela en musique, notamment en intégrant des petits climax émotionnels à ses chansons, des moments fugaces où la mélodie et sa voix change légèrement, nous faisant souhaiter que toute la chanson ait été comme ça – Il y avait cette lente montée en puissance dans « Scholar », jusqu’à son refrain qui n’explose jamais vraiment, il y a maintenant le dernier couplet de « Hell Yes » où Gucci fait sa déclaration d’amour d’une envolée Auto-Tunée en Alexandrin, qu’il rappe à coup sûr les yeux fermés. Aussi une chanson d’amour « Point of my life » est le deuxième moment fort du disque, produit par un Dun Deal qui est allé chercher des guitares country pour offrir à Gucci Mane sa première ballade romantique. Et quand il faut faire ce qu’il fait de mieux, du rap lourd, lent et puissant, le Trap God continue de dérouler. Surtout quand il est servit par les bass crunk et les synthés de cimetières de Drumma Boy (« Dipped In Gold » ; « Nobody »).
Pour animer sa maison piège ces derniers mois, il ne fallait pas passer à côté de : Doe Boy – Baby Je$us
Tout récemment, trois des cinq meilleurs rappeurs en activité ont sorti des projets, ça n’a pas été reprécisé, mais il fallait aussi, évidemment et avant tout, écouter Gunplay (Acquitted), Starlito (Cold Turkey) et Kevin Gates (Stranger Than Fiction).
Le mois prochain l’album de Brick Squad, le retour de Young Scooter et la triplette Gucci Mane pour qu’il soit 10H17 toute la journée et toute la semaine.
Fat Trel et Shy Glizzy seront aussi de retour pour montrer ce que D.C. a dans le ventre, et le messie Earl sort enfin son deuxième album.
En attendant la prochaine saison de rap, restons sur ce cliffhanger digne d’une fin de saison des Jeux du Throne : Chief Keef, qui continue sa transformation en entité cybernétique, dessine les contours du rap de demain. Il a définitivement pris la pilule rouge, et le voilà libéré du joug des Illuminatis et des normes de l’exploiteur. Si vous n’y arrivez pas encore, c’est sans doute parce que vous êtes toujours reliés à une machine qui se nourri de vos excréments et des protéines de votre cerveau. Chief Keef est le lapin blanc, mon Dieu, laisser le glapire à l’auto-tune sur toutes les productions de Yeezus pour que nous soyons libérés de la matrice. « Almighty So » devrait sortir avant la fin de l’année.
Deuxième round, deuxième point, deuxième bilan, cette fois de la période s’écoulant de mi février à début avril environ. Comme la première fois, un petit retour sur une dizaine de sorties plus ou moins essentielles.
Young Thug est un espèce de diamant brut, un talent qui n’a encore été canalisé par rien n’y personne. Ce qui est intéressant avec lui, c’est que même sans aucun formatage, il se tourne naturellement vers un rap pop. Et si pour ça il est souvent comparé à Future, Young Thug en est en fait l’opposé parfait. Ou l’autre face d’une même pièce pour être plus exact, une sorte de version sauvage de l’Astronaute. Parce que quand l’un est allé travailler et canaliser son rap en studio, jusqu’à devenir une vraie pop star, l’autre le laisse libre d’aller dans tous les sens et garde un côté brut et naïf.
Future a fini d’entériner la destruction des frontières entre « rap » et « chant », et permet à des gamins comme Young Thug d’exister sans qu’ils soient qualifiés d’ « hybrides » ou de « rappeurs qui chantent ». Aujourd’hui et pour toujours, c’est aussi ça « le rap ».
Alors évidemment, Future est loin d’être le premier à avoir joué sur ce terrain, et pas si longtemps avant lui, Lil’ Wayne était l’un de ceux qui faisaient le plus trembler cette limite. Il y a aussi beaucoup de Lil’ Wayne dans Young Thug. D’une certaine manière, on se demande s’il n’est pas ce qu’aurait donné Weezy si ses expérimentions pré-Carter III avaient abouti à plus qu’une poignée de titres éparpillés, si Prostitute Flange et Lollipop avaient été des modèles pour des albums entiers de Lil’ Wayne.
Les additions de bonnes influences, même bien digérées, n’ont jamais suffi à faire un bon artiste. Si Young Thug est remarquable, c’est parce qu’il a réussi à se construire malgré tout son propre univers, ses qualités et sa personne transpirent par dessus ses inspirations. Son espèce de folie douce, l’impression constante qu’il perd lui même le fil de ce qu’il raconte et son hyper spontanéité en font un vrai personnage, mi bizarre mi sauvage.
Des refrains emboités en poupées russes jusqu’aux couplets qui sonnent comme des refrains, tout est prétexte à ce que Young Thug étire sa voix dans toutes les directions pour créer des mélodies, à la manière d’un ado qui aurait appris à contrôler sa mue. En guise de production on retrouve sur 1017 Thug une majorité de squelettes des beats que l’on commence à entendre un peu trop à Atlanta, avec les caisses claires roulées ou les filtres passe-bas. Mais Young Thug arrive malgré cela à produire quelque chose d’autre qu’une tape d’Atlanta standard, grâce à sa manière de faire évoluer l’air de ses titres avec son rap/chant et son grain de folie. Et l’immense majorité de ses lignes pouvant être transformées en gimmick, il y a fort à parier que même a capella Young Thug reste divertissant. Alors quand il est accompagné par une petite ritournelle de comptine, des synthés de fête foraine (eurodance Lex Luger!!), ou en duo avec Gucci et PeeWee avec qui il a une belle complémentarité, la cassette touche le ciel. 1017 Thug n’est pas parfaite, certains titres étant difficile à écouter jusqu’au bout une fois le refrain passé, mais il est encore plus dur de ne pas être enchanté par ce gamin.
Mentions spéciales pour l’explosif 2 Cups Stuffed qui est un peu son Same Damn Time, Nigeria avec PeeWee et Gucci Mane, qui nous rappelle que toute cette forme de rap trouve une part de ses racines en Jamaïque, et à Picacho, pour ses gimmicks retardés, beuglés sur ce qui pourrait presque être un générique de Pokemon.
Dans IANAHB2, Lil’ Wayne n’a toujours pas compris qu’il n’y a plus besoin de faire du rock pour être une rockstar. Les riffs de guitares très gênants et les moments où il essaie péniblement de nous persuader qu’il est un chanteur de pop punk sont donc toujours là.
Dans IANAHB2, Lil’ Wayne n’a pas non plus retrouvé toute la créativité qu’il a perdu depuis plusieurs années. Pire, alors qu’il a été un des rappeurs les plus influents des années 2000, on le retrouve aujourd’hui à singer la musique des stars du top tiers, les Future, Drake et autre 2 Chainz (qui eux même font une musique que Weezy a inventé, vlà le serpent qui se mord la queue).
Pourtant, c’est son meilleur disque depuis 5 ans, et pas seulement parce que les précédents sont mauvais.
Le disque s’ouvre avec une longue intro au piano, sur laquelle Lil’ Wayne parle de sa bite avec (presque) autant d’intensité que quand il pleurait les dégâts causés par l’ouragan Katrina. Une intro qui résume assez bien l’état d’esprit dans lequel est Weezy aujourd’hui : il n’a pas forcément perdu tout son talent, il n’en a juste plus rien à foutre et se contente d’opérer depuis sa petite zone de confort. Sans doute plus de quoi faire de grands disques, mais bien assez pour produire de l’Entertainment de qualité, juste en continuant d’être ce drôle de martiens weirdos obsédé par sa quéquette.
On retrouve à la pelle des métaphores aussi drôles qu’attardées, des messages de haine envers l’Amérique (et son système judiciaire en particulier), le haut du panier des tubes radios grâce au duo Future/Mike Will, et des apparitions du toujours amusant 2 Chainz. Bref, juste ce qu’il faut pour qu’un album de Lil’ Wayne nous divertisse.
Mais le vrai plus qui aide ce disque à s’hisser au dessus des précédents, ce sont d’abord les trois titres produits par l’immortel Juicy J. Ce dernier a simplement réutilisé – sans en modifier la formule d’un iota malgré un passage par la case « major » – le son qu’il a concocté il y’a quelques années avec Lex Luger : un mélange des ambiances horrorcores de Memphis et des boites à rythme de club d’Atlanta. Ajoutez à ça le premier titre surréaliste, les tubes radiophoniques, le mi touchant mi gênant et quasi Pluto-esque Romance, et vous tenez un album qui pourrait vous réconcilier un peu avec Lil’ Wayne, si vous aussi vous pensiez qu’il était mort en 2008. L’ex meilleur rappeur vivant n’a plus la hargne d’antan, mais avec cet INAHB2, démontre qu’il est au moins capable de tirer le meilleur jus de ses invités, qu’ils soient rappeurs ou producteurs.
Inclus également : Gunplay qui continue de marcher sur l’eau, et le premier bon couplet de la carrière de Gudda Gudda.
Le tour de force de la Trill Fam, c’est d’arriver à rendre belles les choses les plus tristes et horribles qu’il soit. Plus leurs amis meurent, plus leurs problèmes avec la justice augmentent, plus leur ville sombre dans la misère, et plus leur musique est belle et tristement joyeuse. Aujourd’hui les bluesmen ne font plus de blues, mais de la Bounce Music et de la Country Rap Tunes, et en attendant que Boosie soit libéré, Foxx reste le meilleur représentant de cette famille de rappeurs maitres de l’émotion voyou. Musique pour pleurer de vraies larmes bien viriles sur des cloches, des pianos et des guitares country.
One Way avec Lil’ Cali (qui a donc probablement réalisé la prod) concoure déjà pour une place au podium des chansons de l’année. Ce serait bien que ce genre de titre emo-parano soit plus nombreux sur ses projets. Et si son Mayweather de l’an dernier reste supérieur à cette mixtape, elle reste indispensable, au moins pour entendre Foxx mettre un peu d’âme à des prods piquées à des rappeurs fruités.
On retrouve Foxx sur Power Move d’Eddie Starks. ENCORE une bonne sortie en provenance de Baton Rouge. Je profite de cette tribune offerte par mon sponsor pour remercier la légende Frankie Tha Lucky Dog, qui upload et partage ces sorties sur le net, et sans qui elles ne quitteraient pas Baton Rouge, ainsi qu’ANU l’homme-lien pour sa veille active.
En plus de Foxx, on y retrouve Kevin Gates, C-Loc, Max Minelli, DJ B-Real, Mouse On Tha Track, soit une sorte de All Star Game local. La moitié de la tape est produite par un gamin du Minnesota appelé Zachary « Zone » Glaros, qui dans son approche de la prod Country rappelle parfois les Block Beattaz d’il y’a quelques années.
Originaire de Detroit, Boldy James est le cousin de Chuck Inglish, dont on reconnait sans peine la pate sur cet EP puisqu’il y produit la moitié des titres. Le timbre blasé de Boldy s’accorde parfaitement aux productions minimalistes de Chuck. Exactement ce qu’il faut pour laisser vivre son flow un poil monocorde, que l’on voit mal se déployer sur des prods plus complexes. C’est supérieur à tout ce qu’ont pu faire les Cool Kids ces dernières années, et il y a une prod des Block Beattaz cachée quelque part dedans, sur laquelle Boldy James se laisse aller à pousser la chansonnette.
Bon apéritif avant son album entièrement produit par Alchemist prévu pour plus tard dans l’année.
Un peu comme Kansas City, Akron dans l’Ohio semble avoir une connexion un peu mystique avec la Bay Area. Cet album de Bird Money est là pour encore le prouver, avec les présences de Joe Blow, Lil Rue ou Jacka et des productions qui sonnent comme si les producteurs venaient d’Oakland ou San Francisco. Samples de voix pitchées, de pop ou jazz smooth des années 80, pour une ambiance mafioso, avec ses histoires d’écailles de poissons et d’argent d’oiseau. Comme son nom l’indique. Dans la lignée de l’excellent Cop Heavy Gang 2 de Young Bossi et Ampichino l’an dernier, une très bonne surprise.
Très éclectique dans le choix des prods, Wappo saccade son flow juste ce qu’il faut pour découper des briques sur des synthés bouclés sur des snares roulées, part en double-time sur des snaps ratchets, transforme son rap en chant sur les refrains et les synthés façon Beat Bully ou cruise sur des routes g-funk. Vu la récurrence du thème, le garçon semble avoir eu quelques démêlés avec la justice de San José (sans doute pas pour rien que la mixtape s’appelle Not Guilty), mais à part ça je ne sais pas grand chose sur ce garçon, dont la cassette m’a été conseillé par le Boss Tuego.
Ca parle souvent d’HD ici, un de mes rappeurs préférés de ces dernières années. Il continue à faire ce qu’il sait faire de mieux, parler de guap et de poulet sur des mélodies légères, tout en devenant toujours un peu meilleur et en élargissant le spectre de sa musique. Cette fois, il ajoute à sa panoplie de rappeur une utilisation très subtile de l’autotune. Si ses albums avaient les finitions qu’ils méritent, en se débarrassant par exemple des problèmes liés au mastering amateur, la vie serait parfaite.
Le précédent disque de Tyler avait une photo de Buffalo Bill en guise de pochette. Buffalo Bill, en plus d’être ce vieux fils de pute qui a exterminé les bisons puis vendu son boule à l’industrie du spectacle, c’est aussi le nom du tueur dans le Silence des Agneaux. Le modus operandi de ce psychopathe consiste à kidnapper une femme, puis à lui retirer délicatement la peau pour pouvoir se l’enfiler comme un manteau. Sa manière à lui de se travestir sans doute. Tyler, c’est un peu Buffalo Bill aussi, sauf que ses victimes s’appellent Pharrell Williams, Chad Hugo, Eminem parfois… Quand Buffalo Bill enfile la peau de ses victimes, forcément il n’arrive pas à ressembler à une femme. Tout au plus il devient une espèce de version difforme de ses victimes, parce que les formes de son corps d’homme apparaissent beaucoup trop sous les lambeaux de peaux. Tyler a le même problème. Sa personnalité l’empêche de devenir complètement Pharrell ou Eminem, en déchirant son costume de Neptunes par excès de caractère, d’individualité. Mais si c’est, j’imagine, dommage pour Buffalo Bill, c’est tout ce qui rend Tyler intéressant.
Une sortie Big Gates Records c’est la certitude de se faire violenter pendant une heure par des infrabass à 45 bpm, avec plein de bruits de petites bulles électroniques qui viennent chatouiller l’oreille interne. En surface ça a l’air brut et brouillon, mais une fois dedans on est happé par l’orfèvrerie, les prods au millimètre, la putain d’horlogerie suisse. Walter White Music.
A écouter aussi : King Louie – March Madness; Harry Fraud – Adrift ; Cassie – RockaByBaby ; Vos mamans.
Je relance avec cinq titres à côté desquels il est interdit de passer :
Young L lève un peu le pied sur les synthés slappés et les grosses bass. Il revient à ce qu’il faisait déjà sur son premier album, les chansons sucrées autotunées (Centerfold, Baseball Bat) qu’il maitrise plutôt bien. A entendre ces synthés analogiques on se demande s’il n’a pas été récemment traumatisé par Kavinsky. Rap Game Paul McCartney ?
Combinaison haut de gamme, d’une part entre le flow ectoplasme de Tree et celui plus sec de Marciano, puis entre la trap soul du chicagoan et les images gangsters et décalées du new-yorkais. Sunday School II va être immense comme Tim Duncan.
Plus les jours passent, plus Chief Keef se transforme en la fumée noire de Lost. Un jour il se mettra à rapper sans ouvrir la bouche, juste en geignant sur de la noise music avec des bass de club et la mélodie du générique de Batman. Ah, bah il le fait déjà presque sur ce titre en fait, et c’est magnifique.
La légende Suga Free qui ressuscite Nate Dogg. Si ça ne vous suffit pas, je vous prie de bien vouloir partir s’il vous plait. Extrait d’un EP prévu pour le 17 mai prochain.
On se prépare psychologiquement pour le troisième round de 2013 qui s’annonce déjà comme le plus intense de l’année avec les albums de Mitchy Slick, Young L, Young Scooter, Gucci Mane, les mixtapes de Tree, Fat Trel, Meek Mill, Young Thug (x2) et probablement des trucs insoupçonnés.
Toujours pas de trace de L’Album. Mais on ne désespère pas, un cierge est allumé chaque matin, et nous continuerons à tourner les corps de nos morts vers Medellin en attendant un signe du guide Adolf Sniffler.