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Prenons rendez-vous sur PBS, tous les mois et demi, pour un point sur l’actualité de la seule chose qui compte un peu dans la vie : le rap. Comme toute bonne résolution, il y a de fortes chances que je ne m’y tienne pas plus de six mois, mais contrairement à Homer face à Drederick Tatum, essayons quand même de tenir plus d’un round. Pour cette fois, une dizaine de projets indispensables de ce début d’année et une liste de rookies aux dents longues.

Problem & Iamsu ! – Million Dollar Afro / YG – Just Re’d UP 2

Problem et IamSu! avaient l’an dernier sorti les deux meilleures mixtapes du halo « ratchet », triolisme jerk/hyphy/bounce ralenti à outrance pour en essorer tout ce qu’il y a de plus salace. Le premier est originaire de L.A. où le mouvement a germé, le deuxième de la Bay Area, comme les synthés clubs utilisés par les producteurs ratchet.
Les deux copains ne cachent pas leurs influences et sont en plus entièrement approuvés par leurs illustres prédécesseurs, en atteste leurs featurings avec E-40, Master P ou, sur Million Dollar Afro, avec Juvenile et Too $hort.
Ce projet en duo est encore réussi, même si dans l’équation on a perdu un peu de ce qui faisait aussi le charme d’IamSu!, les titres un peu plus relax et matures qu’on trouvait au milieu de Kilt!, son dernier album.

Sur Just Re’d UP 2, on retrouve les Romus et Romulus du ratchet, le rappeur YG et son producteur DJ Mustard. Rap de (strip-)club où le minimalisme des prods est inversement proportionnel à l’arrogance et à la concupiscence du rappeur. Les ambiances autotunées de Ty Dolla $ign semblent s’être complètement dilluées dans l’univers d’YG. Au départ juste pourvoyeur de refrains, il a maintenant transformé toute une partie du rap de son ami en quelque chose de plus smoothie, tirant vers le R’n’B (cf. Love Jones ; On The Set).

Master P – Al Capone / Louie V Mob – New World Order

Master P de retour à faire ce qu’il fait de mieux : analyser le rap à la mode pour nous le resservir à sa sauce. Dans la veine de ses imitations de Tupac et Scarface serties de diamants, le voici maintenant plein de MMG, BS et YMCMB ingérés par intraveineuse. Mais parce qu’il a le taux de midi-chloriens le plus élevé de la galaxie, ça fonctionne. Certes pas à tous les coups, sur Al Capone l’imitation Rick Ross est parfois trop grossière, mais sur les deux tiers des titres il arrive quand même à nous convaincre que le Tank est éternel.
Quasi systématiquement entouré de deux des meilleurs rappeurs dans leur catégorie, Fat Trel et Alley Boy, on est en plus parfaitement servi en rapping gangster, technique et charismatique. Dommage cependant que l’alchimie entre les trois ne soit pas optimale. On reste souvent coincé au niveau des « featurings » sans jamais vraiment atteindre celui du « super-group ». Et puis, même s’il n’est pas dans la même forme que sur ses projets solo, à chaque fois que Fat Trel entre sur un morceau on a qu’une envie : n’entendre plus que lui.

Après tant d’années, dont une longue période de quasi-retraite, il est impressionnant de voir que Master P a encore le don pour comprendre ce qui marche, et arriver à se placer parfaitement sur l’échiquier rap. A la manière d’un champ magnétique il attire vers lui ce qu’il peut s’approprier sans contredire son personnage (la trap sans remord du Brick Squad, le mafioso rap grandiloquent de Rick Ross), et repousse tout ce qui pourrait nuire à sa crédibilité à coup de pics méprisantes bien senties (la mode des rappeurs émotifs et/ou obnubilés par les grands couturiers).
The Last Don continue de rapper avec la rage de ses 22 ans, alors qu’il en a plus du double, et rien que pour ça ces deux mixtapes sont des indispensables du début d’année.

Kevin Gates – The Luca Brasi Story

Avec son timbre rauque et son articulation parfaite, Kevin Gates arrive à nous faire tenir d’un bout à l’autre de Luca Brasi Story sans sauter une piste. Il y a vraiment peu, voir pas, de déchets et plusieurs titres très différents mériteraient le traitement « single » (cf. Paper Chasers ; Narco Traficante ; Arms of Stranger). Vraie petite star à Baton Rouge, cette mixtape marque son ouverture vers un public (géographiquement) plus large, notamment grâce aux évidentes influences du rap moderne (Future/Drake/Mike Will) qui s’ajoutent à des racines Louisianaise toujours bien marquées. Son featuring sur la plutôt soporifique tape de Pusha T semble l’avoir aidé à se retrouver dans le radar des médias qui l’ignoraient depuis des années, espérons que cela incite Cash Money à le mettre davantage en avant.

Gucci Mane – Trap God 2 / Young Scooter – Street Lottery

Chroniquer une mixtape de Gucci Mane, c’est un peu comme juger une scène d’un épisode d’une série qui a plusieurs saisons. Etant donné sa personnalité et son œuvre gargantuesque, on se sent toujours obligé de tout replacer dans un ensemble, de comparer avec ce qu’il a fait avant, d’en tirer des conclusions sur ce qu’il sortira ensuite, etc.
On manque encore un peu de recul pour dérusher complètement Trap God 2. Ce qui est sûr c’est qu’elle est supérieure au premier volume et qu’on y trouve quelques un des meilleurs titres de Gucci des dernières années. Moins de featurings et de prods farfelues, ce qui laisse plus de place à Gucci Mane pour mettre en valeur son écriture et son phrasé. Et une nouvelle fois, Lex Luger y apparaît comme un producteur injustement sous-estimé, en dépit de sa surexploitation depuis 2010. Il serait temps qu’en dehors de Gucci et Waka, les rappeurs et le public comprennent qu’il ne sait pas faire que des imitations d’Hard In The Paint (cf. Scholar).

Si sur Trap God 2 Gucci fait plus appel à Zaytoven que lors de ses 3 derniers projets, c’est peut être lié au retour en grâce que lui a offert Young Scooter. Sur Street Lottery, Scooter est aller puiser dans le fin fond des trips du producteur originaire de la Bay Area, pour construire un projet autour des sonorités qu’il développe depuis So Icy. Le retour à une trap music autant conduite par une belle mélodie que par ses bass de club et ses snares de TR-808. Et un grand merci pour  avoir sorti du formole ce Mase encore affamé.

« They shot my homie for nan, killed my homie for nann. I smoke blunts everyday to try to wish it didn’t happen, but I can’t bring him back because I’m only mortal. People think I’m a god, but to me, I’m only normal. »

Si un jour Gucci, Wooh et Waka se décident à faire un album ensemble en hommage à Slim Dunkin, je pense pouvoir régler tous les problèmes liés au manque d’eau sur Terre, avec mes larmes.

Mouse On Tha Track – Millionaire Dreamzzz / Drama Boyz – We About Dat Drama / DJ B-Real – Pay Da Producer Vol.1

Avec son rythme de deux mixtapes par an, Mouse On Tha Track est aujourd’hui le membre de la Trill Fam le plus productif. Etant donné que Lil Boosie est toujours en prison, que Lil Phat a été assassiné l’an dernier, que Webbie est paresseux, c’est vrai que c’est pas ce qu’il y a de plus difficile, mais heureusement que Mouse et Foxx sont là. Par contre, continuer a entretenir la légende Trill Fam avec autant de projets de qualité, dans un contexte compliqué à plus d’un égard, c’est un vrai tour de force.
L’exosquelette de Millionaire Dreamzzz est toujours fait de la traditionnelle Bounce music Louisianaise, ses beats pleins de claps, de cowbells et de bass bondissantes, qui arriveraient à faire danser le cadavre paraplégique de Christopher Reeve tellement le niveau de fun est élevé.
En tant que rappeur Mouse ne cesse de progresser. Sa personnalité s’affirme et son flow chantonné s’accorde de plus en plus à ses beats pour faire de lui un véritable rappeur et plus seulement un producteur qui rap. Enfin, toutes mixtapes possédant un couplet de Mystikal devenant automatiquement « indispensable », c’est faire une grosse erreur que de passer à côté de Millionaire Dreamzzz.

B-Real est un nom que les fans de Lil Boosie connaissent bien. Pour les autres, ne le confondez pas avec le MC au nez bouché de Cypress Hill, DJ B-Real est avec Mouse On Tha Track un des producteurs les plus utilisés par Boosie et la Trill Fam. Et comme Mouse, il est aussi parfois rappeur sur ses propre prods.
Sur des bases bounce, B-Real rajoute toujours à ses beats une idée ou un élément fun supplémentaire : une flute, un air de steel-drum, un sample hyper-grillé, le son d’un lit qui grince, des bruits d’animaux, etc. Tout pour qu’au bout de ses projets vous ayez la pêche et la banane (Cinq fruits et légumes par jour).
Quand il est accompagné des rappeurs Infa Red et Nephew, B-Real devient membre des Drama Boyz. Leur album We About Drama est à priori disponible à Baton Rouge depuis un an, mais il a fallut attendre début février 2013 pour le trouver sur internet, grâce à l’upload du célèbre bloggeur local Frankie Tha Lucky Dog (15$ la review de votre mixtape si vous n’êtes pas de Baton Rouge).

Sleepy Brown – ATL = A Town Legend

Après une intro en spoken-words du poète Big Rube, à moins d’avoir découvert la musique d’Atlanta avec des merdes comme « All Gold Everything », vous savez tout de suite où vous êtes. Pas une once de nostalgie ou de respect mal placé dans mes propos : cet EP est vraiment très bon. Sur sept titres à peine, Sleepy Brown puise dans tous ses vieux amours: soul, funk, country, rap, avec toujours ce savoir faire qui lui permet de faire dans des « vieux pots » quelque chose qui sonne encore actuel. Un peu de Curtis Mayfield, de Barry White via un featuring de son fils, de vieille campagne d’Atlanta, pour une ambiance rappelant autant la Blaxploitation comme quand elle remise à neuf par Tarantino que tout le vieux Sud des USA.
Aucune idée si l’album « Sex, Drugs & Soul », annoncé depuis plusieurs années, est toujours d’actualité, mais on a qu’une envie après cet EP, c’est d’en entendre plus. Si Big Boi souhaite arrêter ses conneries pour hipsters avec Chris Carmouche, qu’il soit bien avisé que Pat Brown est toujours chaud, chaud, chaud.
Un peu triste qu’un si bon EP, usiné par l’un de ceux qui a aidé à placer Atlanta sur la carte du rap, soit totalement ignoré…

J’ai aimé aussi : F.B.G. The Movie ; Cops & Robbers ; Gift Of Gab 2 ; Goldenheart

PBS’ FRESHMEN 2013

Comme vous le savez peut-être, ou pas, tous les ans le magazine XXL nous sort une couverture un brin frelatée mettant en avant ce qu’ils considèrent être les 10 nouveaux rappeurs qui vont marquer les années à venir. Ils se sont très souvent trompés, être sur cette couverture n’apporte absolument rien aux rappeurs en question, bref, c’est en général un vrai non-évènement, mais il faut avouer que l’exercice est amusant. Donc vous l’aurez compris, pour faire comme l’ami Nemo, voici ma liste.
Il est difficile de comprendre comment XXL choisit ses rookies, certains ont parfois des années de carrière derrière eux quand d’autres semblent avoir été sortis d’un chapeau magique. Moi, je vais essayer de ne pas mettre des rappeurs qui, même s’ils n’ont pas encore totalement explosé et qu’on entendra beaucoup parler d’eux en 2013, sont quand même là depuis assez longtemps pour avoir plusieurs projets et un vrai succès d’estime. Donc, j’élimine à contre coeur King Louie, Fat Trel, Gunplay, Schoolboy Q, Ab-Soul et Earl Sweatshirt, qui même s’ils franchiront de toutes évidences un cap cette année, sont connus de trop gens, depuis trop longtemps, pour être considérés comme des rookies.

Shy Glizzy (D.C.)
Ressemble à : Lil Wayne
Taux XXL : 18%
A écouter : Fxck Rap / Law

Signé sur MMG à l’été 2014 si quelqu’un l’aide à progresser d’ici là. (Vas y Gunplay apprend lui ces choses). Je vous vois déjà froncer le naseau mais prenez le temps de vous habituer à sa voix. Comme beaucoup de jeunes rappeurs sur ce créneau, il a de toutes évidences été élevé en écoutant aussi bien Lil Wayne que le Brick Squad, mais il est un des rares à ne pas en avoir capter que des sonorités et des gimmicks, mais aussi leur humour plus subtil qu’il n’y parait.

Ice Burgandy (Los Angeles)
Ressemble à : Inglewood Brick Squad.
Taux XXL : 0%
A écouter : Progress Involves Risks Unfortunately

Cf. ce que j’en disais dans ma récap de l’année 2012.

Young Scooter (Atlanta)
Ressemble à : Rocko/Future.
Taux XXL : 45%
A écouter : Street Lottery

Ma chronique de sa dernière mixtape sur DumDum.

Young Thug (Atlanta)
Ressemble à : Lil Tunechi encore affamé.
Taux XXL :  50%
A écouter : I Came From Nothing 2

Imaginez qu’au lieu de devenir une version trisomique de lui même, Lil Wayne soit mort juste avant le Carter III, que des scientifiques l’aient cloné et fait grandir l’embryon dans la maman de Nayvadius Wilburn. Imaginez maintenant que cet enfant ne sache pas quoi faire de son talent, mais que le Trap God décide de l’aider à trouver ce qu’il pourrait bien en faire. Et bien cette histoire est réelle, c’est celle de Young Thug.

Kevin Gates (Baton Rouge)
Ressemble à : Young Bleed/Drake avec une paire de couilles.
Taux XXL : 10%
A écouter : The Luca Brasi Story

J’avais dressé son portrait y’a 3/4 mois sur ma chaine Def Jam.

Jose Guapo (Atlanta)
Ressemble à : Ghetto Travis Porter.
Taux XXL : 45%
A écouter : Cash Talk 3

Ancien membre du trio Rich Kidz, il traine aujourd’hui dans les pattes de Shy Glizzy, Young Scooter et Young Thug, avec qui il partage des couplets et des producteurs (Will A Fool, Zaytoven, Nard N B, 808 Mafia…).

Alpoko Don (Greenville)
Ressemble à : A capella Scarface
Taux XXL : 0%
A écouter : The Ol’ Soul EP

Je vous renvoie à ce que j’écrivais récemment à propos de lui sur  le site de Def Jam.

IamSu! (Richmond)
Ressemble à : Fils caché d’E-40
Taux XXL : 60%
A écouter : Kilt!

Depuis que des enfants de Los Angeles se sont appropriés des trucs de la Bay pour en faire des hits internationaux, on dirait bien qu’il va être possible pour des rappeurs de là bas d’avoir l’exposition qu’ils méritent. IamSu! devrait être le premier.

Ty Dolla $ign (Los Angeles)
Ressemble à : DJ Quik ratchet
Taux XXL : 50%
A écouter : Beach House

Est-ce que c’est un chanteur qui rap ou un rappeur qui chante, j’en sais rien et je m’en fiche complètement. Non seulement ses refrains sont imparables (et déjà pompés par les stars du R’n’B) mais en tant que producteur il est avec Cardo l’un des meilleurs à entretenir une flamme Cali-funk, en la transformant en quelque chose de plus moderne et sensuel.

Problem (Los Angeles)
Ressemble à : Tyga en mieux, avec 20 kilos de plus.
Taux XXL : 40%
A écouter : Welcome To Mollywood 2

Bonus onzième homme :

PeeWee Longway (Atlanta)
Ressemble à : Gucci Mane
Taux XXL : 0%
A écouter : M.P.A.

C’est mon pari. Je n’ai entendu que quatre couplets du gros PeeWee mais je suis déjà fan. Il rap vraiment comme un mini Gucci Mane, qui d’ailleurs l’a pris sous son aile. Ils ont un projet en duo dans les cartons qui s’annonce plein de jeux de mots et de métaphores cartoons pour parler de drogues et d’armes à feu. Le Brick Squad c’est comme No Limit, ça ne meurt JAMAIS.

Mais bon, tout ça n’est qu’une liste de noms, de jeunots qui ont encore beaucoup de choses à prouver. N’importe quel couplet de Gucci, Gunplay, King Louie, Fat Trel, Mystikal ou Starlito aura infiniment plus d’intérêt que des albums entier de ces petits gars. Enfin, comme chaque année depuis que ma mère a perdu les eaux, la seule chose que j’attend c’est de pouvoir mettre mon exemplaire de Medellin dans le mange disque de ma Bugatti Veyron Super Sport. S’il m’arrivait de prendre une balle perdue avant le jour j, merci de m’enterer nu avec un exemplaire du futur meilleur disque de l’Histoire.

Free Boosie, Free B.G., Free Max B, Free C-Murder, Free Armstrong, R.I.P Tim Dog.

Illustrations : Hector de la Vallée