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Avant d’atterrir sur le plateau du Saturday Night Live, c’est dans un club de stand-up de la côte Est américaine que s’est faite la première apparition du « Foreign Man ». On est alors au début des années 70, et le public présent, venu voir des comiques plus ou moins bons passer à la chaine sur scène, n’a alors jamais entendu parler de celui qu’ils allaient plus tard appeler Latka Gravas.
Avec son accent à couper au couteau, l’homme se présente et annonce son numéro, ce qui, à une traduction prêt, donne ceci : « Boujour. Jé viens dé l’île de Caspiar. Jé voudré imiter Mossieur Jimmy Carter, lé président dé Zéta-Zouni ». L’étranger commence son numéro, et le public est stupéfait devant tant de nullité. S’il n’avait pas annoncé avant qui il allait imiter, personne n’aurait pu reconnaître le président Carter tant la voix et l’accent du comique paraissent inchangés.
Face à la nullité de ce spectacle, le public aimerait rire, mais le pauvre homme sur scène est tellement mauvais et paraît tellement gêné que c’est un malaise parfaitement palpable qui s’installe dans l’assistance.
Apparaissant déboussolé, peut-être même au bord des larmes, le comique raté décide néanmoins de poursuivre son numéro : « Et maintenon, jé voudré vou imiter le Elvis Presley ».
Rien qu’à l’annonce, et d’imaginer ce qu’allait donner un blédard à l’accent turquisant tentant d’imiter le King, le public ne pu cette fois s’empêcher d’exploser de rire. Pas démonté pour autant, l’étranger tourna le dos au public, passa un coup de peigne dans ses cheveux, retira sa veste de costume et attrapa la guitare posée à ses pieds.

Après s’être retourné, le « Foreign Man » entama une imitation absolument parfaite d’Elvis Presley, tellement ressemblante qu’à posteriori le King en personne avouera être bluffé. Le public venait de comprendre qu’il avait été trompé depuis le début par un homme plus malin qu’eux qui jouait l’abruti.

Cet homme s’appelait Andy Kaufman, et deviendra une des plus grandes stars de la comédie aux Etats-Unis. Performer jusqu’au-boutiste, Kaufman aura fait de sa vie entière un gigantesque sketch, n’étant jamais apparu en public « au naturel », mais toujours campant un des personnages de son répertoire. Son jeu fut poussé tellement loin, que le jour où il annonça être atteint du cancer personne ne le cru. On raconte même qu’à l’hôpital, c’est jusqu’à certains membres de sa famille qui remettront en cause sa maladie, pensant que certains médecins étaient des acteurs. Il semblerait qu’Andy Kaufman est aujourd’hui mort de ce cancer, mais il y a encore des fans pour croire, ou espérer, qu’il s’agisse bien de sa meilleure blague.

Précisons avant d’aller plus loin, que chaque détail de l’incroyable histoire qui suit, a été rapporté par RiFF RaFF lui même.

FASHiON GAME JOHN CLAYTON III

Jody Christian est né à Houston au Texas. Ses premières années, il les passe a trainer dans les quartiers du nord de la ville, marqués par une mixité ethnique rare aux Etats-Unis.
Sans doute trop jeune pour comprendre, le petit Jody ne sait pas ce que fait sa mère à cette époque pour occuper ses journées et ramener de l’argent à la maison. Quant à son père, vétéran d’une guerre du Viêt-Nam qui lui a laissé de nombreux troubles post-traumatiques, il brasse du papier en étant basketteur de rue.
Du coup, dès son plus jeune âge, Jody est forcé de trainer dans la rue avec ses très nombreux frères et sœurs, enfermés dehors par des parents qui sont absents du domicile toute la journée. Pour s’occuper, cette ribambelle de gamins s’invente alors un univers parallèle où ils vivront pleins d’aventures. « Nous étions comme une armée de petits G.I. Joe » explique Jody.

À l’école, Jody n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un bon élève. En fait, il n’en a même à rien foutre de l’école, et s’il se rend là bas de ses 6 à 16 ans, c’est uniquement pour draguer et montrer à tout le monde ses nouveaux habits.
Depuis toujours Jody possède un style unique qu’il entretient avec minutie, fait de linges fluorescents, basket multicolores et autres lunettes de ski. Chaque jour passé est pour lui un immense show de mode et une occasion d’en mettre plein les yeux à autrui. Mais un jour, Jody poussera ce style-jeu tellement loin qu’il ne pourra pas empêcher son renvoi définitif : n’ayant pas trouvé de t-shirt parfaitement assorti à sa nouvelle paire de Reebok Pump, il estima ne pas avoir d’autre choix que de se rendre à l’école… torse nu.

 

Viré, Jody doit trouver de quoi s’occuper. Sans diplôme mais bien décidé à amasser rapidement du papier, il se lance donc dans les affaires très chaudes d’acidulé et de riz. À ce moment il ne se doute probablement pas encore qu’il deviendra bientôt la référence quand il s’agira d’apporter le riz.

Un matin, alors qu’il s’apprête à apporter sa céréale de prédilection, Jody reçoit un coup de téléphone inattendu ; c’était son ancien directeur d’école. Ce dernier lui expliqua qu’un concours de mode allait être organisé au lycée, mais qu’il avait peur de ne pas faire le poids… Alors humblement, il demanda à Jody d’oublier les rancœurs passées, et de revenir au lycée pour apprendre aux autres élèves à s’habiller.
Jody accepta, et évidemment permit à son lycée de remporter le concours. Néanmoins, et malgré l’insistance du directeur, il ne voudra pas réintégrer sa place en cours. Les dollars de la récompense du concours en poche, c’est maintenant une autre vie qu’entend mener Jody.

LiFE GAME KURT SCHNEiDER

Avec ces quelques deniers, Jody pu investir encore d’avantage dans le marché fleurissant du riz, s’acheta quelques chaines en diamants et s’offrit son premier tatouage : « The City Of H-Town » sur l’épaule droite.

C’est alors un bien étrange phénomène dont Jody Christian va être victime. Pendant plusieurs jours, il se réveillera chaque matin avec un nouveau tatouage sur le corps, alors même qu’il ne s’est, évidemment, pas rendu chez le tatoueur.
Une carte du Texas sur l’estomac, un Alien sur l’avant bras, un Bart Simpson sur le cœur, et toute une tripotée d’autres qui apparaitront quotidiennement comme par magie. Ce n’est qu’une fois le torse recouvert d’une bonne dizaines de tattoos qu’il finira par comprendre : à la manière d’un Tyler Durden du Fight Club, Jody abrite deux personnalités dans son corps, Jody Christian et Jody Highroller. Ce dernier est à peu de choses prêt la même personne que l’original, mais tout en étant une autre personne et en vivant une autre vie. Les deux Jody auront au départ un peu de mal à gérer cette double vie dans un même corps, en parti parce qu’ils ont le même prénom. C’est pourquoi, afin d’aider leur cohabitation, le Jody originel facilitera ce merdier en adoptant le pseudonyme de RiFF RaFF.

 

Des années durant, RiFF RaFF et Jody Highroller vivront une vie paisible, faite de femmes, de riz et de succès. Pendant que RiFF RaFF remportait sept fois d’affilée le titre de meilleur joueur de la National Baller’s Association, Jody Highroller se vengeait de ne pas avoir été diplômé en s’achetant son propre lycée.

C’est en 2004 que la vie de RiFF RaFF va prendre un tournant décisif. Par hasard, il va tomber sur la chaine de télévision B.E.T. et être littéralement absorbé par ce qu’il va y découvrir : le rap. RiFF RaFF va alors rester une année entière devant sa TV, regardant la chaine non stop jusqu’à avoir le déclic : « Moi aussi je vais rapper. »
Alors, au terme de cette année à végéter devant son écran, RiFF RaFF ira se faire tatouer le logo de B.E.T sur le corps, symbole de son but ultime ; devenir un de ces rappeurs qui passent en boucle à la télé.
L’histoire est sensiblement la même en ce qui concerne son tatouage « World Star Hip-Hop ». Quant à son tatouage « MTV », il célèbre un événement tout particulier…

FROM G TO RAP

Si RiFF RaFF s’est fait faire son tatouage MTV, c’est parce qu’il s’apprête à participer à une émission de télé-réalité. Nous sommes en 2009, RiFF RaFF vient d’avoir 26 ans, et son style unique lui a permis de se faire remarquer par des casteurs de l’émission « From G’s To Gent », un show dont le principe est de transformer des petits gangsters en parfait gentlemen.
Ce show permet alors à RiFF RaFF d’apparaître sur la chaine la plus regardée au monde et de devenir immédiatement une star, malgré son élimination du jeu dès le deuxième épisode. Parce qu’on ne peut pas faire changer RiFF RaFF.
Après cette élimination, RiFF RaFF cherchera néanmoins à capitaliser au mieux son passage télé en ajoutant « MTV’s » à son pseudo et en redoublant la cadence de ses freestyles.

C’est alors le début d’une série de mixtapes de freestyles à sa gloire, distribuées exclusivement via iTunes. Une demi-douzaine de tapes et vidéos plus tard, MTV RiFF RaFF devient RiFF RaFF SODMG, après avoir reçu le soutien de Soulja Boy. Passons très vite sur l’année qui a suivi – pour mieux y revenir plus loin – et nous voilà en 2012, RiFF RaFF a toujours 26 ans et vient de signer un contrat de 3 millions de dollars pour 8 albums chez Mad Decent.

Cette histoire, telle que vous venez de la lire, c’est celle que RiFF RaFF veut bien raconter, celle qu’il a racontée au fil d’interviews à Fader, Complex, Gawker ou L.A. Weekly, magazines qui ont cherché à décrypter ce rappeur viral, qui ne semble exister qu’à travers des vidéos youtube et camper un personnage. RiFF RaFF est-il est une farce ? Se joue-t-il de nous ? Est-il le RAP GAME ANDY KAUFMAN ? La vérité est un peu plus compliquée que ça.

RAP GAME ANTOiNE LAVOiSiER

Le véritable nom de RiFF RaFF est Horst Simco. Né le 29 janvier 1982, il a donc en réalité 30 ans. C’est bien à Houston qu’il est né et a vécu les vingt premières années de sa vie, avant de partir vivre à Duluth dans le Minnesota, où il est allé à la fac. Qu’est-ce qu’Horst Simco est allé y étudier ? Parmi les formations dispensées là bas, il a peut-être suivi les cours de préparateur en pharmacie, expliquant l’amour du « Freestyle Scientist » pour les tubes à essaie et autres éprouvettes. A moins qu’il n’ait suivi la formation en art… Quand on sait qu’après avoir arrêté la fac, Horst se faisait de l’argent en peignant sur des voitures et en concevant logos et identités visuelles pour des sociétés, la piste de la formation en art paraît plausible ; d’autant plus que cela collerait avec son goût pour la performance et la comédie.

Alors RiFF RaFF ne pourrait être qu’une immense performance réalisée par Horst Simco ?

 

La réalité est un peu plus complexe en vérité. Oui, RiFF RaFF/Simco aime jouer la comédie, mais à en juger par les quelques apparitions vidéo de son petit frère, le snowboarder Viktor Simco, il apparaît que la mongolerie contrôlée est un trait typique de la famille. Et puis, reprocher, ou souligner, que RiFF RaFF est un « personnage » reviendrait à faire pareil pour Gunplay/Richard Morales par exemple, ou n’importe quel autre rappeur intenable.
La seule différence est peut être qu’il y a effectivement un décalage entre Horst Simco et RiFF RaFF, que ce ne sont pas exactement les même personnes. Mais plus qu’une performance, un rôle ou personnage, il faut voir en RiFF RaFF ce qu’a toujours adoré et voulu être Horst Simco : la mutation d’un fan de rap en un flambant freestyler Texan.

Véritable fils du Texas, né et élevé dans le nord de Houston, Horst Simco a écouté puis étudié la science des freestylers de son Etat, de Fat Pat à Lil Flip, jusqu’à absorber tout le répertoire de la Screwed Up Click et de Swisha House.
Toutes ces influences sont criantes dans les premiers freestyles de RiFF RaFF, diffusés pour la plupart juste après « From G’s To Gent ».
Les deux influences les plus marquantes étant le rappeur de Dallas Big Tuck, membre des Dirty South Rydaz, et Lil Ron de la Swisha House :

Du timbre de la voix jusqu’à sa façon de jouer avec la durée d’une syllabe pour tenir la mesure, en passant par le modèle des rimes, énormément d’éléments dans le rap de RiFF RaFF rappellent Big Tuck. Il suffit d’écouter le freestyle ci-dessus, suivi de « Larry Bird », pour que le parallèle apparaisse on ne peut plus évidemment.

La même remarque peut être faite avec Lil Ron (deuxième rappeur sur le freestyle ci-dessus) dont les intonations et prononciations rappellent aussi fortement le RiCE EMPEROR.

RAP GAME 2.0 ALLEGORY

Penser que RiFF RaFF est un « sketch » c’est être à mille lieues de la réalité, et quiconque continue à défendre cette idée aujourd’hui ne mérite que d’être giflé par l’Empereur avec un immense sac de riz. Si il est compréhensible d’avoir été plus que perplexe devant les premières apparitions du bonhomme, étant donné son style très particulier et son univers surréaliste basculant sans arrêt dans le cartoon, ça l’est de moins en moins étant donné l’évolution de sa carrière.
Aussi, il est difficile d’entrer dans sa discographie, puisqu’à l’heure de datpiff et livemixtape, RiFF RaFF s’entête à ne sortir ses projets que sur iTunes. Cela s’accompagne en plus d’un contrôle ultra serré des leaks, afin d’éviter le maximum de distributions gratuites (essayez de faire passer une de ses mixtapes gratuitement, elle sera effacée dans la semaine, j’en ai fait moi-même l’expérience plusieurs fois). Mais depuis la sortie de l’album Sour & Gunpowder, RiFF RaFF possède enfin un projet référence, une « porte d’entrée ».

Sorti en fin d’année dernière, Sour & Gunpowder est un parfait (à l’exception de l’ignoble premier titre) showcase de ce que sait faire RiFF RaFF, sur lequel il a enfin réussi à se détacher des rappeurs dont il s’inspirait jusque là pour apporter quelque chose qui lui appartient entièrement avec des freestyles alourdis à la codéine, et respirant infiniment fois plus le Texas que beaucoup de disques récents unanimement salués, mais ne faisant qu’imiter ce genre de rap et ses codes.

RiFF RaFF a en plus parfaitement assimilé le meilleur moyen d’attirer l’attention aujourd’hui. Ce style et ses vidéos, ce n’est que ça, la maitrise de l’outil internet comme moyen de promotion, qui en plus, couplée à ce contrôle drastique des fuites de mp3, force les internautes à dépenser 0,99$ par titre sur iTunes.

Alors oui, RiFF RaFF n’existe que sur internet, mais aujourd’hui ce n’est plus forcément un mal. Internet n’est plus l’antichambre du futur, l’endroit où les artistes attendent d’être repérés. Internet est simplement devenu le cadre de carrières effectuées en parallèle de l’industrie classique, et RiFF RaFF ne fait que s’inscrire dans ce cadre. C’est sans doute parfaitement conscient de cela qu’il multiplie les collaborations avec des artistes qui partagent avec lui cette forme virale d’existence : Lil B, Lil Debbie, Andy Milonakis, Chief Keef (pré-Kanye) ou prochainement Kitty Pryde.

 

Donc non, RiFF RaFF n’est pas le RAP GAME ANDY KAUFMAN, parce que même si la comédie et son personnage font partie intégrante de son « œuvre », il n’est pas en train de jouer au rappeur comme ont pu le faire Michael Youn ou Sacha Baron Cohen. Il ne révolutionne rien et n’aura probablement pas de reportage honorifique dans 20 ans sur VH1, mais RiFF RaFF est un vrai, bon, rappeur.

Aujourd’hui RiFF RaFF explore d’autres terrains, surtout depuis son rapprochement avec l’écurie Mad Decent, en rappant sur des productions de Sinden ou de l’ignoble Diplo. En espérant qu’avec le succès de sa récente vidéo pour le titre « Time », un morceau qui datait en réalité de 2010, Jody Highroller se remette aussi à la chanson country.

Et en attendant ses projets à venir, dont un album entièrement produit par Dame Grease, et un autre par Harry Fraud prévu pour le 4 juillet, je profite de ce temps de parole qui m’est offert pour vous annoncer officiellement l’arrivée prochaine de la réédition du CLASSiC Sour & Gunpowder, entièrement re-vissée par la GORiLLE MUSiC COMPAGNY de SilverBack_Gz aka L’Afrocalypse.

HEY RiFF RaFF WHERE’ YOU FROM ? – HOLLYWOOD, BRAZiL, BiTCH !

Crédits :

Texte : PureBakingSoda
Illustrations : Pierre Thyss aka Young Thuss