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Marijuana, cocaïne, ecstasy, oxycodone, xanax, méthadone, codéine et prométhazine. Ceci n’est pas l’inventaire des dernières perquisitions d’une brigade anti stupéfiants, simplement la liste des drogues dont vous trouverez une trace dans un échantillon de sang de Gunplay.
Ce dernier explique dépenser aux moins 600$ par semaine pour sa consommation de drogues. Et encore, ce ne serait là que l’addition pour une semaine au calme ou passée à travailler, parce qu’en période de fêtes ou de vacances, c’est un minimum de 1 500$ de produits que Gunplay consomme par semaine, sans aucune pression.

Sa consommation hors norme de drogues, Gunplay l’a longtemps traînée comme un boulet. Ce n’est pas qu’il en ait honte, parce qu’en fait pas du tout, simplement elle est difficilement compatible avec son ambition d’être un artiste « cross-over », capable de plaire aussi bien aux dealers de Carol City qu’aux programmations de radios nationales.
Patient, paresseux ou les deux, Gunplay prend en tout cas le temps de bien préparer le terrain pour la sortie de son premier album solo. Pour cela, il évolue depuis une dizaine d’années dans l’ombre de Rick Ross, dont il prend bien soin de suivre chacun des conseils pour ne pas se griller… Parce qu’il est vrai que préparer une carrière quand on a parmi ses sujets de prédilection la consommation de drogues, ou que des références au régime nazi sont marquées jusque sur notre peau, c’est un peu comme évoluer sur un fil de pêche au dessus du Grand Canyon.

Aujourd’hui « Don Logan » pourrait être en passe de faire comprendre à un public élargi qu’il n’est pas que le « goon » de Rick Ross. Ce qui n’était autrefois que des fulgurances est en effet devenu récurrent : Gunplay est capable de transformer la peine et la souffrance en quelque chose de beau. Et il aura peut-être fallu en passer par là pour nous faire remarquer que même lorsqu’il insuffle une énergie quasi nucléaire à des productions de Lil Lody, ou qu’il parle de ses activités illégales et ultra-violentes, il n’oublie jamais de travailler son texte, en plus de jouer avec sa voix, son personnage et son charisme… afin d’être un des rappeurs en activité les plus intéressants.

Maître de l’introspection, mais avant tout du divertissement, de l’énergie, voire de l’émeute, Gunplay est tout ça à la fois. Pour comprendre qui il est, d’où lui viennent toutes ces facettes et d’où il puise toutes ses influences, il est intéressant de revenir sur le parcours du « human L.A. riot ».

D’El Paso à New York

Richard Morales est né le 18 juillet 1979 sur une base militaire du Texas. Oui, les parents du futur Gunplay sont dans l’armée. Comme quoi, le cliché sur l’éducation militaire est sans doute à revoir. Au moins, on a peut-être une explication quant à son obsession pour les chars et les imprimés camouflages.
Mais le petit Richard n’aura pas le temps de s’imprégner du style de vie texan, ses parents déménageant à New York juste après sa naissance, où il vivra jusqu’à ses 10 ans.
Gunplay n’est jamais renvoyé à quoi que ce soit de New Yorkais, alors qu’en réalité sa musique tient autant à la Floride qu’au vieux rap de Liberty City. La façon dont il a, tel Animal Man, d’absorber le pouvoir des animaux de la jungle pour en faire des backs ou des onomatopées intégrés à son rap rappelle les jeux gutturaux de beat-boxers new-yorkais, les Fat Boys de Brooklyn en tête. (cf. Banana Clips ; Jump Out ; Cartoons & Cereals)

Il y a souvent un rapprochement, facile et presque abusif, fait entre Gunplay et Waka Flocka. Il faut dire qu’à l’époque où Gunplay commence à marcher en solo, la réputation de Waka Flocka vient d’exploser. Alors quand en plus on se fait remarquer avec un single basé essentiellement sur l’énergie, qu’on en rajoute en invitant Waka dessus, le parallèle se fait automatiquement. (Rollin’). Pourtant les deux rappeurs n’ont pas tant que ça en commun. Gunplay est nettement plus « goofy » et surtout plus scrupuleux que Waka avec ses lyrics. Du coup, s’il y a un rappeur dont on doit retrouver des traces dans l’ADN de Gunplay, c’est encore une fois sur la côte Est qu’il faut regarder, plus tout à fait à New York, mais dans le New Jersey :

C’est d’ailleurs aussi certainement de Redman que lui vient cette manie de faire des bruits d’animaux (de singes). Quand on entend aujourd’hui Gunplay dire que c’est un de ses rappeurs préférés, l’influence ne fait plus aucun doute.

Miramar, FL

En 1989 les parents de Richard se séparent, et il semblerait qu’il n’ait plus revu depuis son père d’origine Porto Ricaine. Le petit part donc avec sa mère, elle d’origine Jamaïcaine, vivre à Miramar en Floride, une ville du secteur statistique de Carol City.
En passant toute son adolescence en Floride, Gunplay aura tout le temps de s’imprégner des rappeurs du coin, surtout du légendaire Trick Daddy dont il s’inspire et avec qui il partage cette voix rocailleuse et un rap basé avant tout sur le charisme. (cf. Mask On ; Cigar Fare & Hardware)

Pour Richard c’est aussi le début d’une vie sans père et dans la pauvreté, dans un des pires quartiers de l’état. A l’horizon les yachts et les soirées branchées de Miami, mais autour de lui le paysage n’est fait que de décharges et de crack heads. C’est le début d’une descente dans la bouche de l’enfer qu’il raconte souvent en musique ou en interview.
Il n’a pas fallu longtemps pour que Richard passe la totalité de son temps dans ces rues. Arrivé en Floride, il ne fera pas long feu à l’école, et sera même entièrement déscolarisé avant ses 14 ans. L’école n’est pas vraiment compatible avec la situation de survie dans laquelle la famille Morales se trouve, et le jeune garçon a du mal à supporter l’autorité d’un maître d’école alors qu’il doit déjà négocier avec des gros trafiquants et tenir son propre business.
La mère, devenue infirmière, est obligée de travailler plus de 16H par jour. Le domicile est donc laissé libre et à l’entière disposition de Richard, qui ni une ni deux le transforme en Trap House.
La cuisine tourne à plein régime pour baser la cocaïne qui arrive par les ports de Miami, et les toxicos font la queue pour venir récupérer leurs produits.
La maison devient le passage obligé de Miramar, et malgré son très jeune âge, Richard développe son business pour vendre toutes les drogues imaginables, tout ce qui peut trouver un acheteur.

Ce genre d’activité ne passe que difficilement inaperçue aux yeux de la police, alors Morales, doit très vite agir avec prudence, notamment en codant ses discussions téléphoniques. C’est sans doute comme ça qu’il a développé son talent pour les métaphores de la drogue. Ces dernières, personne ne les maîtrise mieux que Gunplay aujourd’hui. A tel point que pas mal de ses lignes doivent passer pour des phases complètement surréalistes pour celui qui n’a pas au moins son Master en « argotage des oiseaux ».
Pourtant, quand il dit qu’il « hache Noël avec son épée » ou qu’il n’y a « ni bras ni marteau dans son Hannah Montana » il ne joue pas au cadavre exquis, c’est simplement sa façon de nous dire qu’il « effrite sa weed» ou que sa « cocaïne est pure à 100% ».

A cause de ces activités, la relation entre Richard et sa mère ne cessera de se dégrader au fil des ans. Parce qu’en plus de difficilement supporter ses activités, la mère va devoir affronter la personnalité endurcie de son fils, de plus en plus violent et hermétique à toutes formes d’autorités. Si bien que pendant plus de douze ans, la mère et le fils ne s’adresseront pas la parole, bien que vivant sous le même toit.

Carol City Cartel

En plus d’être vendeur, Richard devient vite consommateur. Ou plutôt, selon ses propres termes, « un abuseur ».
A 12 ans il fume déjà, mais se contente alors de la marijuana et n’ose pas toucher au reste. C’est trois ans plus tard qu’il fera réellement connaissance avec la première femme de sa vie, la cocaïne.

Nous sommes en 1994, et cela faisait déjà plusieurs années que Richard Morales vendait des sachets de blanche. Le jeune dealer avait donc une clientèle d’habitués, et notamment un type à qui il pouvait vendre jusqu’à quatre sachets par nuit. Un soir, ce gros client arrivé avec les pupilles encore plus dilatées que d’habitude, confia à son jeune vendeur :

« Tu as déjà testé cette merde ? N’essaie jamais, c’est le diable. »

Seulement, pour Richard le diable se trouvait ailleurs, symbolisé par l’image d’une tante que ses parents hébergeaient quand ils vivaient à New York. Il n’avait que 6 ans mais se rappellera toute sa vie de l’épave qui squattait le canapé, un squelette de plus d’1m85 pour 40 kilos. Cette image restera à jamais pour lui celle de l’enfer : celle d’une tante accro au crack, la seule drogue que Gunplay ne consommera jamais.

Alors, quand il entend que l’enfer c’est la cocaïne, il rigole bien, ayant pu constater que cette drogue était consommée majoritairement par des petits bourgeois blancs en très bonne santé.
Après une journée de travail, alors qu’il avait déjà bien imbibé sa viande d’alcool, Morales se lance et sniffe une, deux, trois, quatre puis cinq traces. Sans avoir le temps de s’en rendre compte, le voilà tombé amoureux de la dame blanche. « C’est la meilleure chose que Dieu ait créé », se dit il.
A partir de cette expérience, Richard s’est mis à tester tout ce qui a pu lui passer sous la main, à l’exception du crack donc. Il abuse de tout, mais tâche de garder le contrôle. « I do drugs, I don’t let ‘em do me» devient son leitmotiv.
Pendant plus de dix ans, il est probable que Richard Morales n’ait pas été sobre une seule minute, son jeu étant d’alterner entre les drogues pour régler son tempo, s’adapter aux situations, comme on change de vitesse sur une voiture : une pilule en guise de carburant, de l’herbe ou une coupe de lean pour ralentir devant les passages piétons, et un petit sachet de poudre pour accélérer après les virages.
Pour ce qui est du risque d’overdose, il s’en remet à Dieu. « Si ça m’arrive ? C’est que c’était le plan du Seigneur. Pour l’instant il en a décidé autrement. »

Custom Cars & Cycles

Grâce à ses « occupations », Richard arrive à se faire un petit pactole. Outre dans la drogue, c’est dans ses trois autres passions que part son argent : la musique, les armes à feu et les voitures de sport.
Pour ce qui est de la musique, il s’agit évidemment de rap mais aussi de reggae. Depuis toujours il est un grand fan de rap ; nous avons déjà évoqué Trick Daddy et Redman, mais il y a aussi N.W.A, U.G.K., Scarface et 2LiveCrew qui font la bande-son de ses journées.
Dès l’époque de ses premières K7 de N.W.A., Richard rêve sans doute secrètement de devenir lui aussi un rappeur, et c’est grâce à une autre de ses passions qu’il va sérieusement envisager de franchir ce cap.

Régulièrement, l’asphalte des parkings de Miami chauffe sous les démonstrations de puissance de bagnoles à plusieurs milliers de SMIC. Ces showcase organisées par les locaux, amateurs de grosses cylindrés, sont l’occasion pour les participants de comparer leurs bolides, de parler tuning ou affaires crapuleuses sur fond d’odeur de gomme brûlée.
C’est en 1997, lors d’un de ces shows, que Richard Morales va rencontrer celui qui deviendra son meilleur ami et mentor, William Leonard Roberts II, un apprenti rappeur qui fricotait déjà avec MIA Productions, un label local.
Le rêve de jeunesse de William, c’était de devenir joueur de football US, mais n’ayant pas obtenu la bourse universitaire nécessaire pour continuer à exercer sa passion, il a dû se résoudre à abandonner. C’est donc via le rap qu’il espère s’épanouir et s’enrichir… et après une année passée comme gardien de prison, il a tout quitté pour se lancer entièrement dans le rap.
Les deux jeunes, partageant cet amour pour la musique, les choses mafieuses et les voitures de luxe, vont très vite sympathiser et surtout commencer à rapper sérieusement ensemble.
Richard Morales devient Gunplay, et William Leonard Roberts II prend le pseudonyme de Rick Ross.
Deux ans plus tard le rappeur Torch émigre de New-York vers Miami, et tous les trois formeront le premier roster du groupe Triple C.

Color, Cut & Clarity

La suite de l’histoire est surtout celle de Rick Ross, puisque des deux compères il est celui qui s’appliquera le plus à lancer sa carrière. Le problème de Gunplay, c’est que contrairement à Ross, il a réellement été impliqué dans le trafic de drogues et qu’il faut pouvoir s’en échapper complètement. Malgré tout, après avoir mis un pied dans la musique, il s’en éloignera progressivement pour se concentrer sur le rap… c’est une autre histoire en ce qui concerne sa consommation personnelle.
Heureusement pour lui, Rick Ross, très probablement bien conscient du diamant brut qu’était Gunplay, l’empêchera de se forger une réputation d’artiste ingérable en le forçant à rester sous-terrain autant que nécessaire : Seul maitre de ses choix de carrière, il n’aurait certainement pas obtenu sa récente signature solo sur le label Def Jam.

Pendant presque 10 ans encore il restera impliqué à divers niveaux dans le trafic d’herbe et de cocaïne – précédent un passage éclair dans le proxénétisme – , dont il ne sortira qu’à la signature du deal de Triple C chez Def Jam. Pendant ces 10 ans, Gunplay était tout autant un boulet pour Ross et Triple C qu’il leur était indispensable : véritable épave remplie de drogues, il fait annuler des concerts parce qu’il n’est pas en état, termine des nuits au bord du coma sur des parkings, joue avec sa vie et sa liberté.

Il y a d’abord son rapport très décontracté avec la drogue et les armes : Il n’a pas hésité à insérer des bruits de narines qui reniflent entre les titres de sa première mixtape, ou à se faire filmer en train de consommer. Quant à son amour des armes, en voulant le mettre en scène dans le clip de Cigar Fare and Hardware, il se fera arrêter par la police de Miami. Morales était alors toujours sous le coup d’un sursis pour une ancienne affaire de port d’arme illégal et n’avait pas le droit de s’approcher de si près d’un flingue.

Il y a ensuite ses bad trips : comme cette fois où il a gobé une pilule d’origine inconnue. La chose l’a emmené si haut que son cœur et son système de sudation étaient entrés en mode rhinocéros. Ce soir là, Gunplay est allé tellement loin au-dessus du ciel qu’il a sans doute vécu des expériences extracorporelles. Amené d’urgence à l’hôpital, rien ne semblait pouvoir le réveiller, les gifles et le trajet en voiture n’y faisaient rien. Inconscient et complètement à poil sur son lit d’hôpital, il aura fallu qu’une infirmière essaie de lui retirer sa chaîne pour qu’il redevienne sobre sur le champ, pur comme un bébé. Réflexe de survie : on ne touche pas aux brille-brille de Don Logan.

Il y a enfin son obsession pour les croix gammées et autres symboles nazis : une croix gammée tatouée sur la nuque et des « heil logan » répétés plusieurs fois sur ses cassettes. Il a même très sérieusement envisagé d’utiliser la svastika comme pochette de son premier album solo. Et quand on l’interroge sur son tatouage, Gunplay ne laisse aucun doute, ce n’est pas une svastika, c’est bien une croix gammée qu’il a sur la nuque :

« c’est mon symbole pour dire que je viens pour exterminer ces conneries, je vais Nazifier cette merde, Hitleriser ces fils de pute. Mettre tous ces faux enculés dans la chambre à gaz et leur gazer la gueule. »

Toutes ces anecdotes aident Gunplay à se forger un personnage unique dans le paysage rap, et ne l’ont pas empêché d’être parfois un très bon rappeur… mais elles sont surtout de sérieux boulets pour quelqu’un qui souhaite devenir un artiste « grand public ».

Don Logan

Rick Ross a toujours été le garde fou de Gunplay, une sorte de super manager qui lui a appris ce qu’il fallait et ne fallait pas faire pour se construire une carrière.
Il y a d’abord cette histoire de pseudonyme. Gunplay l’apprendra sur le terrain, lors de sa première apparition en radio, avec Rick Ross. Au moment de présenter les loulous qui l’accompagnent, Rozay présente son bras droit comme « G-Play ». Et tout au long de l’interview c’est comme ça qu’il le désignera. Gunplay comprend que son pseudonyme ne peut même pas être prononcé sur les radios nationales, ce qui est compliqué quand on espère y entendre ses chansons tourner…
En conséquence, Rick Ross conseillera à Gunplay de regarder le film « Sexy Beast », un film de gangsters anglais. Dans ce film, il y a un personnage dans lequel Gunplay s’est reconnu : le bras droit du chef de la Mafia, un type colérique avec le coup de poing facile, tout comme lui à l’époque. « Je pense qu’il y a une bonne raison pour que Ross m’ait demandé de regarder ce film… » s’est alors dit Gunplay. Le nom de ce sous-chef de la Mafia, c’était « Don Logan » ; il décida donc d’en faire un second pseudonyme, avec lequel il pourra switcher à tout moment, un peu à la manière de ce qu’a pu faire Tity Boi/2 Chainz.

Autre conseil important de Ross à Gunplay : l’importance du choix des prods. S’il y a une leçon que tous les rappeurs sur terre doivent retenir de la carrière de Ross, c’est bien que les prods sont aussi importantes que le rap pour faire de la bonne musique. Alors, évoluant à ses côtés, c’est quelque chose que Gunplay a compris mieux que quiconque. Et d’abord avec Justice LEAGUE et The Inkredibles (All On You, Gunplay), mais surtout plus tard avec Lil Lody (Rollin’, Bogota), il a trouvé les parfaites combinaisons et l’équilibre pour habiller son rap sans le parasiter.

Bogota

S’il a fait des apparitions sur tous les albums solos de Rick Ross, c’est surtout en 2009, quand sort le premier album de Triple C’s, Custom Cars & Cycles, que le public a pu faire pleinement connaissance avec Gunplay. (Enfin, aurait pu, étant donné l’échec commercial de l’album). Sur ce disque bien trop sous-estimé, la star ce n’est pas Ross, encore moins Torch et Young Breed, mais bel et bien Gunplay. Ce sont ses couplets, et quelques une des prods, qui volent la vedette au reste de Triple C. A chaque fois Don Logan fait mouche grâce à l’accroche de ses couplets et quelques fulgurances.

A wad of money, not a lotta money
Most on the weed, just a broken dream
Tryna come up sellin’ somethin’
Buyin’ somethin’, tryin’ somethin’
Inside I’m sufferin’, outside I’m stuntin’
I’m bout mine, I’m thumpin’
Till God bring out the trumpet
Barack just a puppet
But no one listens to junkies
And no one hires a flunky…

Par la suite, avec ses mixtapes Sniffahill, Don Logan ou Inglorious Bastard, Gunplay aura le temps de se faire remarquer avec son lyrisme gangster, blindé de références illuminati, de jeux de mots sur les drogues et d’auto-célébrations dissimulant à peine les blessures de sa vie passée. « Inside I’m sufferin’, outside I’m stuntin« .

Amongst Wolves, Mom Sent Me Out. Never Sold My Soul, But The Devil Rent Me Out

C’est surtout le Gunplay débordant d’énergie que l’on retrouve sur ses mixtapes, et sur ses morceaux les plus connus car certainement les plus marquants: Rollin’, Bogota ou l’émeutier Jump Out. Et quand il s’agit de rapper comme s’il était une armée de légionnaires rassemblée en un seul homme, Gunplay est peut être ce qu’il se fait de mieux actuellement.

Après la signature de Triple C sur Def Jam en 2005, Gunplay est bien loin du trafic de drogues. Mais ses cachets lui permettent de poursuivre en toute quiétude sa consommation. Les soirées annulées, les interviews ratées, et toutes les conneries qu’il ne pouvait pas s’empêcher de faire en étant drogué continuent un temps. Gunplay raconte que c’est lors d’un photoshoot pour un magazine qu’il a compris qu’en agissant ainsi, ce n’était pas que lui mais tout son groupe qu’il ennuyait : alors qu’il arrivait encore complètement défoncé, les autres membres de Triple C se sont énervés contre lui : « Ce n’est pas que toi que tu défonces, tu nous fais tous chier là, et tu nous fais perdre de l’argent. C’est l’argent de Rick Ross que tu fais perdre« .

En plus des remontrances de son groupe, il y a aussi la naissance de son fils qui va progressivement le forcer à se calmer sur la drogue. Enfin principalement sur la cocaïne. A vrai dire, il confesse qu’il s’est laissé dépasser par sa consommation de cocaïne à une époque, et après avoir ressenti les premiers gros impacts physiques (narines détruites et extrême maigreur), il décide d’arrêter complètement la C.

Medellín

Bizarrement, Gunplay ne parle de son sevrage de cocaïne que depuis sa signature solo chez Def Jam (été 2012), en expliquant que ça fait maintenant presque deux ans qu’il s’est arrêté. A-t-il été obligé de s’inventer une désintox pour pouvoir vendre des disques ? Étant donné que dans le même temps il continue a vanter les bienfaits de la MDMA, on ne sait plus quoi penser, comment discerner le vrai du faux. Après tout, même pour ce qui est de son passé de grand dealer de coke, on n’a que sa parole comme preuve et on sait ce que vaut la parole d’un rappeur quand il s’agit d’avoir une crédibilité « rue ». Surtout dans la réalité alternative où évoluent Rick Ross et ses amis de MMG.

Aujourd’hui, à défaut d’être un artiste « crossover », peut être Gunplay est-il déjà un rappeur « hybride », mélange d’influences venues de la côte est et du plus profond du sud. C’est en tout cas comme ça que lui-même se décrit :

« Gunplay c’est des lyrics du nord avec le charisme du sud. Gunplay c’est un grand gumbo. Un « Gangsta Gumbo »»

Après toutes ses frasques, Gunplay semble s’être calmé -en dehors des studios- et enfin prêt à être un vrai professionnel. Au moment où j’écris ces lignes il vient de signer un contrat solo chez Def Jam, et son premier album solo devrait sortir dans le courant de l’année prochaine.
Pour celui-ci, il nous est promis un retour du personnage que l’on connaît déjà, ce diable de Tasmanie Illuminatus, tantôt surexcité, tantôt émotif ; tour à tour finaud, tour à tour polisson, tour à tour gangster, mais tour à tour généreux. Et en plus des habituels alliés, sont déjà annoncés Kendrick Lamar, avec qui il a déjà pondu le meilleur titre de 2012 (Cartoon & Cereal) ainsi que le légendaire DJ Quik, prouvant que Morales a bien retenu les leçons de Ross sur l’importance du choix des beats.
Le titre de cet album : Medellín. Gunplay n’a donc pas changé tant que ça.

« Quand j’ai sniffé de la coke à Medellin ils m’ont dit que ma carrière était terminée… Alors maintenant ils vont aller acheter mon album, qui s’appellera Medellin… Bande de suceurs, Noël est fini !« 

Crédits :

Texte : PureBakingSoda
Illustrations : Stephen Vuillemin aka acevee