Avec la contribution massive de ses partenaires, le premier solo de Lil Wayne ressemble à un album des Hot Boy$ replaçant le cadet dans le rôle de leader. The Block Is Hot atteint en 1999 la troisième place du Billboard 200 et vaut à Lil Wayne d’être nommé « Best New Artist » par le magazine The Source. De cet album, le temps se souvient surtout de Fuck The World, de sa guitare blues et de Wayne qui, en empruntant les tics de B.G., parle de son père décédé, de la naissance de sa fille, de l’amour qu’il a pour sa mère. Il n’a encore que dix-sept ans, mais Dwayne est déjà un adulte dans un corps d’enfant.
Un an plus tard, Lights Out est le véritable début de carrière solo de Lil Wayne. Mannie Fresh lui offre quelques unes de ses meilleures productions de l’époque, naviguant entre gangsta bounce, mélodies orientales, bass music, rock et délires électroniques. Lil Wayne y a surtout plus de place pour s’exprimer, y révèle sa rage et sa bile acide. Sur la course uptempo de Tha Blues, sa démonstration technique confirme que les Hot Boy$ ont été pour lui un formidable centre de formation.
En 2002, Cash Money Records subit de nombreux changements. Birdman, qui jusqu’à présent ne croyait pas à un succès de Wayne, est désormais obligé de compter sur son gremlins puisque comme B.G., Juvenile a rompu son contrat.
Jamais dernier pour les bassesses, l’homme oiseau demande alors à Lil Wayne de mettre symboliquement un terme à la carrière de Juvenile, en intitulant son troisième album 500 Degreez, en référence aux 400 petits degrés qui ont enflammé Magnolia trois ans plus tôt. Avec des productions inspirées par les Neptunes, le Blueprint de Jay-Z et les hits de l’époque, ce disque sonne comme une régression. Mais si son but est de brûler ce qu’il reste de l’ancien Cash Money, alors l’entreprise est réussie.
Le 24 janvier 2004, Turk est condamné à douze ans de prison ferme pour avoir pointé une arme sur deux agents de la brigades des stupéfiants, entrés chez lui par effraction sous prétexte qu’ils auraient pu y trouver de la drogue. Avec Juvenile devenu indépendant, et B.G. qui sombre plus que jamais dans ses problèmes de drogues, il est net que les Hot Boy$ n’existent plus.
Désormais seul carburant du navire Cash Money, Lil Wayne part en tournée accompagné de ses amis d’enfances Gudda Gudda, Kidd Kidd et T-Streetz. Officieusement, Wayne raconte qu’il est à la tête d’un faux label intitulé « Money Yungin’ », où lui et ses copains seraient signés sous le nom « Sqad Up ». Ce groupe, dont Birdman ne veut pas entendre parler, enregistre sept mixtapes en un an, sept « SQ » dont le dernier volume est un exercice solitaire de Lil Wayne.
SQ7, sous titré 10 000 Bars, est en réalité un freestyle ininterrompu de quarante minutes. Enregistré en une seule prise, on y entend Lil Wayne tourner les pages de son cahier de rimes au fur et à mesure que le DJ change de beat. Nous sommes en 2003, et c’est la toute dernière fois que Lil Wayne écrit ses textes sur papier.
Désormais, ses lignes tomberont du ciel pour sortir de sa bouche sans passer par une plume. Et c’est en adoptant cette forme d’écriture automatique que nait véritablement le meilleur rappeur de tous les temps.
« Quand je fixe les nuages, est-ce moi qui m’élève ou eux qui descendent sur moi ? »
illustration : Hector de la Vallée