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Chicago est depuis deux ans l’une des villes de rap les plus en vue.
D’abord, parce qu’elle est une des terres les plus fertiles en nouveaux talents. Certains de ces artistes, en plus de s’être construits une fan base qui s’étend au delà des frontières de leur ville, ont même su convaincre les majors qu’ils pouvaient avoir une carrière sur le long terme. Et puisant dans le meilleur de ce qui a fait le rap de la fin de la dernière décennie, Chicago s’est recréée une scène, avec ses personnages, ses sonorités et ses propres sous-genres.
Mais ce sont aussi des évènements qui ne sont pas seulement liés à la musique qui ont mis Chicago sous la lumière ces dernières années.

Début septembre 2012, un rappeur relativement inconnu est assassiné. L’histoire fait grand bruit dans la Cité Venteuse, notamment parce que cet aspirant rappeur y est connu pour son embrouille avec deux stars locales qui commencent à connaître un succès national. Or, ces derniers ont réagi à la nouvelle en se moquant ouvertement de la victime, ranimant des critiques dont ils faisaient déjà objet, sur la violence que promouvrait leur musique.

Cette mort, parce qu’il s’agit d’un meurtre, parce qu’elle touche un jeune qui n’était âgé que de 16 ans, est aussi symptomatique de la situation des quartiers sud de Chicago. La même année, ce sont plusieurs dizaines d’adolescents qui sont morts assassinés dans ces quartiers, pendant que, ramené à l’ensemble de la ville, le nombre de morts par balle passait la barre des 500 en six mois.

Pendant que la presse locale et internet prenaient feu après les moqueries des deux jeunes stars montantes, un autre rappeur du coin, lui originaire du nord de la ville, organisait un concert de soutien aux familles. En plus de récolter des fonds pour l’enterrement, il souhaitait faire de cet événement une tribune pour alerter l’opinion sur la situation de Chicago, tout en permettant aux habitants de se changer les idées, le temps d’une soirée.
Le lendemain, l’organisateur expliquait sur sa page facebook, avec tristesse, colère et incompréhension, qu’absolument personne n’était venu au concert.

Entre effervescence, succès critiques et artistiques, tribulations extra-musicales, misère sociale, abandon et violence, c’est ici qu’évoluent King Louie, Chief Keef, Lil Reese, Lil Durk, Sasha Go Hard, Katie Got Bandz, Tree, Young Giftz, Chance The Rapper et beaucoup d’autres. Un univers dur, mais qui aura vu naître une scène qui résume parfaitement une bonne partie du rap de notre début de décennie.

« A Chicago, les même gars vont te tirer dessus, puis t’aimer quand tu perceras, pour finalement venir te racketter après ton concert. »

Internet et l’hyper-régionalisation

Chicago a toujours eu quelques rappeurs pour la représenter à l’échelle du pays, et même plus loin. Twista, Common, Lupe Fiasco et évidemment Kanye West ont joué ou jouent encore ce rôle. Il ne s’agissait alors que d’artistes ‘isolés’, et le plus souvent la ville d’origine s’estompait derrière ces personnalités. Si aujourd’hui Chicago arrive à mettre en avant autant de rappeurs en même temps,  et à s’afficher à travers eux, c’est (entre autres choses) grâce à l’immense vitrine qu’est internet.

S’il est vrai que la toile a pu faciliter le développement d’un rap post-régional, où les particularités locales s’estompent ou se déplacent sur la carte, il faut cependant déconstruire l’idée que c’est un fait nouveau et généralisé.
En réalité, internet a aussi permis l’inverse, à savoir aider à l’émergence de scènes hyper locales, dont la résonnance peut s’étendre sur tout le pays. Un rap hyper-régionalisé en somme. Avant Chicago, le meilleur exemple est certainement la scène rap d’Huntsville, petite ville de l’Alabama qui a pu faire éclore une bonne dizaine de rappeurs grâce au bouche à oreille 2.0. Cela aurait été plus difficile hier, dans un monde où le travail de ces artistes n’aurait été relayé que par les médias locaux. Aujourd’hui, l’info locale étant accessible de partout, la moindre petite effervescence peut s’étendre quasi immédiatement sur toute la carte.

Dans notre cas, la contamination est partie de deux blogs couvrant l’actualité du rap de Chicago, Fake Shore Drive et So Many Shrimp. Ces blogs tenus par des chicagoans ont été la première fenêtre sur le nouveau rap de Chicago, et ont probablement été un des battements d’ailes de papillon qui ont permis à certains artistes d’avoir des signatures en major.
Parmi les rappeurs révélés par ces sites, le premier a sans doute été Chief Keef, il est en tout cas le plus connu à l’heure actuelle.

« Mec, les blogs, internet, c’est la Matrice ! Dès que t’es dedans tu contrôles plus rien. J’ai jamais été en Nouvelle Zélande… Pourtant mon plus grand fan vient de là bas… »

Cependant, pour que le buzz sorte de la niche internet, il aura fallut attendre l’intervention d’une figure de ce monde parallèle qu’est le rap du monde réel : Kanye West, en parlant de ces rappeurs puis en reprenant un titre de Chief Keef, a propulsé la nouvelle scène de Chicago dans les radars des majors et du grand public.
Un élément qui nous rappelle encore une fois que le ‘rap internet’ et celui de l’industrie classique sont des univers différents, ce qui marche dans l’un pouvant être absolument ignoré dans l’autre. La scène d’Huntsville dont il a été question, qui elle n’a pas connu de pont vers l’industrie classique en est le parfait exemple.

La cité des enfants perdus

A la façon de nos produits du terroir, toute musique en provenance de Chicago se voit attacher l’appellation d’origine contrôlée « Drill ». Le terme ne date pas d’hier, au départ mot d’argot désignant une pénétration effectuée sans finesse, puis mot fourre-tout utilisé pour tout ce qui est cool ou excitant, il est devenu au fil du temps synonyme de musique respirant les rues de Chicago.
Les sonorités de la « Drill Music » sont diverses, ont évolué avec le temps et les genres. Aujourd’hui, puisque la nouvelle scène rap en question est évidemment frappée du tampon « Drill », il est toujours difficile de réduire Chicago à un seul « son ». On peut néanmoins y percevoir les nettes empreintes d’Atlanta, notamment des mutations de sa trap music.

L’un des premiers représentants de cette nouvelle Drill Music, c’est Chief Keef.
Habitant un des quartiers les plus pauvres et dangereux de Chicago, Chief Keef a potentiellement vu autant d’armes et de morts qu’un enfant soldat du Nigeria alors qu’il n’a que 16 ans. Ce quotidien marque profondément son rap : cru, violent, nihiliste, dépouillé et sublimé par la rage placide de l’adolescent, celle qui est indispensable pour supporter un tel environnement.

Pour mettre en musique son rap, Chief Keef travaille avec DJ Kenn, producteur qui a fui les tsunamis japonais pour la fournaise chicagoane, et surtout son jeune ami Young Chop, véritable dépositaire du son « GBE », crew de Chief Keef.
Une boucle mélodique très aiguë, qui seule sonnerait presque comme une comptine pour enfant, mais qui couplée aux bass et ratlesnake snares typiques de la trap moderne d’Atlanta devient la musique que doivent jouer les mort-nés dans le limbe des enfants. Aussi menaçante que stimulante.

Le rap de GBE, c’est à dire aussi celui de rappeurs comme Lil Reese ou Fredo Santana, est directement influencé par les expérimentations de Waka Flocka et Lex Luger d’il y a quelques années, et confirme l’impact immense qu’a eu Flockaveli sur le rap.
Mais parmi tous ces disciples, Chief Keef reste celui qui s’en sort le mieux. Parce qu’en poussant à l’extrême ce qui caractérisait le rap de Waka Flocka – jusqu’à définitivement démontrer pourquoi Rap Genius est une aberration, jusqu’à pousser des semi débiles à polémiquer sur la violence qu’il dégage – il pourrait, avec son premier album Finally Rich, transformer l’essai marqué par Flockaveli il y a deux ans.

« Ces petits négros sont sauvages…Mais c’est des gars sûrs, et j’adore faire de la musique avec eux. »

Drilluminati

Chicago en 2012 ne se résume pas à cette trap mutante. Pourtant proche de Lil Reese et GBE, Lil Durk par exemple propose une musique légèrement différente.
Grâce à un flow chanté, l’usage récurent de l’autotune et un rap axé avant tout sur les refrains, il est peut être plus accessible pour le grand public que Chief Keef et le reste de GBE, en traitant pourtant des thèmes similaires. Et si on perçoit encore une mutation de la trap music d’Atlanta, elle a ici plus à voir avec FreeBandz et DTE qu’avec le Brick Squad.

Plus âgé que les rappeurs cités jusque là, King Louie se permet de naviguer entre les différents sons de la Drill Music moderne, tout en y apportant sa touche. De tous les rappeurs dont il sera question ici, il est sans débat possible le plus versatile et expérimenté.

King Louie, c’est d’abord un personnage. Gangster avec une obsession pour le sexe oral, qui n’ambitionne qu’à démontrer qu’il est plus arrogant que Salmonée défiant les Dieux, on le croirait tout droit sorti d’un cartoon pour adulte. Et déjà il nous rappelle quelqu’un. C’est aussi un flow nonchalant, mais déversé de telle manière qu’il donne l’impression de pouvoir continuer éternellement. Une sorte de rappeur coureur de fond, qui là encore nous rappelle quelqu’un, toujours le même.
Puis il y a son schéma de rimes internes, qui donne souvent l’impression que ses meilleures démonstrations ne sont faites que d’une seule et même assonance qui s’étire sur tout le morceau.
Celui que l’on reconnaît parfois dans King Louie, c’est Gucci Mane, avec qui il partage un lyricisme de rue, prétentieux mais assez intelligent pour ne pas être dénué d’humour. Une écriture qui est d’ailleurs parfois appelée « post-Gucci ».

Si on devait pousser bêtement la comparaison avec Gucci, peut-être pourrait-on dire que C-Sick est le Zaytoven de King Louie. Ce producteur franco-américain originaire d’Aix-En-Provence est en tout cas, avec ses boucles métalliques et rythmes hypnotiques, le producteur qui lui convient le mieux. Les prods de Bars et Val-Venis ont ainsi été les meilleurs terrains de jeu de King Louie, et le récent Showtime, construit sur un sample que seul un européen aurait pu dénicher, fonctionne encore parfaitement.

Rappant avec C-Sick, chantant à l’autotune avec Young Chop, et travaillant en général sur le meilleur de ce que fait le reste des producteurs de Chicago, King Louie est la tête d’affiche, le porte drapeau, de la Drill Music.
Avec presque une dizaine de projets, Louie est loin d’être un rookie puisqu’il a plusieurs années de carrière derrière lui. Le récent coup de projecteur sur Chicago a aussi cela d’excitant, nous rappeler que malgré nos réseaux, fils d’infos et kilos de mixtapes quotidiennes nous sommes encore très loin de l’omniscience, et qu’il existe peut être des dizaines de King Louie qui n’attendent que d’être découverts.

« Mon style c’est comme un Gumbo, un peu de si, un peu de ça, mais j’adore Gucci. J’aime son flow, et j’y ai rajouté mon style. Si tu rappes comme ça à Chicago, ils te diront que c’est le flow de Louie, que tu rappes comme King Louie. La vie de ma mère. »

L’arbre caché par la forêt

Si cela fait des années qu’il rappe, ce n’est que récemment que Tree a commencé à attirer l’attention du public et de certains journalistes. Cinquième membre non-officiel d’un groupe de Chicago appelé Project Mayhem, il roule désormais sa bosse en solo. Et s’il est apparu sensiblement au même moment que Chief Keef, King Louie et consorts, son rap paraît pourtant être à des années-lumière de cette Drill Music.
Quand GBE amène la trap music sur des terrains de plus en plus apocalyptiques, Tree prend la direction opposée en y apportant un élément inédit : le sample de soul. Probablement inspiré par l’église Baptiste où il a appris à chanter, c’est comme ça qu’il créé ce style qu’il appelle « Soul Trap ». Les boites à rythme et les thèmes sont ceux du rap de rue, mais le cœur de la prod est fait de boucles vocales de Curtis Mayfield, Etta James, Amy Winehouse ou de samples d’instruments pitchés, qu’il superpose et édite jusqu’à les rendre joliment dissonants.

Alors qu’en l’espace de quelques mois, Keef a pu signer sur Interscope, Reese et Durk chez Def Jam, King Louie avec Epic, Tree reste pour l’instant sans label, malgré sa reconnaissance critique.
Pourtant ce ne sont pas les A&R qui manquent ces derniers mois à Chicago. Depuis le début de la surexposition, la ville est en effet envahie par les découvreurs de talents, et pas un concert ne se déroule sans ses représentants de label et kilos de journalistes venus prendre la température.

« En ce moment les A&R font partis du décors à Chicago, y’en a presque autant que des armes à feu dans nos rues… »

Aidé par son timbre grave et légèrement rugueux, Tree reste le rappeur (et le producteur) le plus remarquable de Project Mayhem. Mais loin d’effacer les prestations d’Ishbah, Lennon, Paypa et Dane, il a plutôt réussi à trouver la recette pour venir parfaitement les compléter. A la base encore plus smooth, et d’avantage inspiré par ce qui vient de New York – nous rappelant au passage que Chicago n’est pas une ville du sud – Project Mayhem a trouvé le parfait complèment avec Tree. Et tous ensemble c’est un bel hommage à la tradition jazz et soul de leur ville qu’ils rendent.

Amazones

Parce qu’elles sont des filles, Sasha et Katie n’auraient peut-être pas connu le succès qu’elles ont aujourd’hui sans l’effervescence du moment. Mais contrairement à d’autres dans ce cas (Fredo Santana, SD ou Gino Marley) elles ne se contentent pas de récupérer la lumière des collègues, et leur place est loin d’être usurpée.

Katie Got Bandz fait partie du M.U.B.U Gang de King Louie, dont elle est une espèce de version féminine dégénérée et à qui elle emprunte les producteurs. Alors qu’elle est loin d’avoir la musique la plus immédiatement accessible (on va  pas se le cacher ses clips ridicules ne l’aident pas) elle est en fait une sorte d’idéal type de la Drill Music grâce à des prod rappelant vraiment le son tourbillonnant d’une perceuse et un rap entêtant sur les petits gangsters et les élastiques.

Après Chief Keef et King Louie, Sasha Go Hard est celle qui apparaît la plus à même d’avoir une carrière sur le long terme. Un peu comme Lil Reese, elle est une Chief Keef plus ‘lyricale’, mais avec un éventail de thèmes et de prods encore plus large, allant jusqu’à la petite balade rap romantique.

Ses titres les plus connus restent cependant des trucs où elle pose sa grosse paire d’ovaires sur la table, comme ce Tatted, hanté par un sample vocal du Trap God, comme si l’ombre du Brick Squad ne cessait décidément de planer sur la Drill Music.

« Ca vient des ados, de la violence. ‘Drill’, c’est un mot dur, tu vois ? C’est pour ça que je dis que c’est la version 2012 de ‘fight’. A Chicago, plus personne ne dis ‘We finna go fight’. On dit ‘drill’…. La Drill Music pour moi, c’est la musique qui va rendre les gens dingues, crunk »

L’épée de Damoclès

Il y a quelques années, King Louie était fauché par une voiture roulant à pleine vitesse dans l’est de Chicago. Le Dos en vrac, les poumons persés, les deux jambes cassées et les dents ruinées, le diagnostic des médecins quant à ses chances de survie était pessimiste.
Non seulement King L a survécu, mais il a en plus pu retrouver l’usage complet de ses jambes. Et quand, au début de l’année 2012, il obtient son contrat chez Sony/Epic, son premier mouvement est d’aller se faire refaire ses chicots pour retrouver sa dentition d’origine.
La carrière de King Louie aurait pu ne jamais commencer. Et si aujourd’hui plus rien ne semble pouvoir l’arrêter, on ne peut pas en dire autant des plus jeunes rappeurs de Chicago.

Chief Keef, Lil Durk et Lil Reese ont déjà fait des séjours en prison, et tous ne cessent de manquer d’y retourner ou de se faire remarquer ; Chief Keef s’est fait filmer avec des armes à feu, lui et Reese se sont moqués de la mort de leur jeune rival Lil JoJo, laissant planer le doute sur le lien qu’ils pourraient avoir avec son meurtre, et alors que j’écris ces lignes, Reese vient tout juste de faire reparler de lui pour des choses qui n’ont rien à voir avec la musique…

Globalement les membres de GBE entretiennent encore beaucoup trop de liens avec les gangs, et certains ont vraiment, vraiment, du mal à profiter de l’opportunité qu’ils ont d’échapper à la tempête de violence dans laquelle ils vivent. Rester loin des ennuis avec la loi est pourtant une condition sine qua non à la poursuite de leur carrière, mais il n’est pas certain que tous arrivent à s’émanciper du mode de vie des ghettos pauvres de Chicago.

Un nouvel hypocentre ?

Tous ces jeunes et moins jeunes ne sont évidemment pas les seuls. Young Giftz a sorti cette année une des meilleures mixtapes à Chicago, Chance The Rapper a signé avec l’agent de Kanye West, Rockie Fresh a rejoint l’écurie Maybach Music, et d’autres comme D-Bo du Brick Squad ou le duo L.E.P. Bogus Boys continuent d’abreuver les rues en mixtapes. La palette de styles couverte par ces rappeurs est immense, et même en réduisant cette scène à quelques uns, disons Chief Keef, King L, Tree et Young Giftz, il y a de quoi satisfaire n’importe qui, à condition d’être réceptif au rap de qualité.

S’ils ne sont pas tous autant célébrés par les médias, qui ont du mal à voir plus loin que Chief Keef et à parler d’autre chose que de la violence à Chicago, cette cohorte de rappeurs forment pourtant bel est bien une même scène. Ce qui va lier tous ces artistes ce sont évidemment des collaborations faites les uns avec les autres. En survolant leurs projets vous retrouverez donc souvent traces d’autres rappeurs du coin, ou de producteurs comme LoKey, C-Sick, Young Chop et même Tree, qui bien qu’ignoré par la presse a déjà obtenu la reconnaissance de ses pairs.

L’effervescence de ces dernières mois est telle qu’on peut légitimement se demander si Chicago ne peut pas prétendre, d’ici quelques années, au titre de capitale rap… succèdant à Atlanta.
C’est évidemment énormément s’avancer que de dire ça, mais les deux villes présentent des similitudes.
Si Chicago se recrée une scène en transformant la musique d’Atlanta, cette dernière avait, à la fin des années 80, créée la sienne en transformant la musique de Miami puis en s’inspirant de la G-Funk Californienne. L’une comme l’autre a connu une période où les nouveaux rappeurs de qualité germent partout. L’une comme l’autre peine a se trouver une identité sonore marquée et semblent miser plutôt sur un panel large de son. Et de la même façon qu’Atlanta a sans doute profité des beefs a répétition dans lesquels s’empétraient Los Angeles et surtout New York pour imposer ses figures, Chicago pourrait profiter du climat de tension qui s’installe progressivement à Atlanta depuis quelques mois, si celui-ci finit par avoir une répercussion sur la musique.

Mais ce ne sont bien sur que d’hypothétiques plans sur la comète fantasmés par le Rap Game Jacques Attali.

Quoi qu’il en soit, à Chicago, on profite. Hier trustés par les tubes d’Atlanta, les radios et clubs locaux ne passent désormais que de la musique du coin. Encore en signe ? Non… la guerre des places ne sera gagnée que quand les princesses de Magic City remueront leur cellulite sur Right Here et Showtime. Et Atlanta étant aujourd’hui aussi sectaire et dédaigneuse que l’était New York à son apogée, ce n’est sans doute pas prêt d’arriver.

Mixtapographie sélective  (2012) :

Back From The Dead (Chief Keef) ; Showtime (King Louie) ; Sunday School (Tree) ; Life Ain’t No Joke (Lil Durk) ; The Lake Effect 1.5 (Young Giftz) ; Do U Know Who I Am ? (Sasha Go Hard) ; Bandz And Hittaz (Katie God Bandz)

En attendant Finally Rich (Chief Keef) et Dope & Shrimp (King L) qui sont d’ores et déjà au sommet des listes pour le père Noël.

Crédits :

Texte : PureBakingSoda
Illustrations : Meaghan Garvey aka Moneyworth / Jetez un oeil à son travail sur son Etsy Shop – son livre sur le rap et les illuminatis est exceptionnel –

Ca ne vous aura pas échappé, Moneyworth ne s’est pas contentée d’illustrer l’article mais a pensé tout un concept autour du jeu de tarot. Et comme les cartes n’ont pas été choisies au hasard, elle vous offre une description de chacune d’elle :

0. The Fool (Louie)—carefree (sometimes, perhaps, too carefre), eager, with an optimistic view of the world and a complete absence of fear; the personification of the child within.

II. The Priestess (Sasha)—skilled and insightful, yet subtle; in tune with the world of dreams and the subconscious.

V. The Hierophant (Tree)—the high priest, or wise teacher; full of esoteric and occult knowledge, but also possesses real life experience; represents the culmination of human development.

VII. The Chariot (Durk)—represents the struggles one must overcome with oneself and with life, with the promise that with diligence and perseverance all obstacles can be overcome. The chariot is drawn by wild creatures that represent our will, which we must strive to control.

VIII. Adjustment (Katie)—also known as Justice, the supreme judge; represents the balance of good and evil, as well as karma and retribution.

XIII. Death (Keef)—the most feared card in the deck, although not necessarily negative; signifies a major life change, or an ending leading to a new beginning.

XV. The Devil (Fredo)—often misunderstood and feared, but not necessarily an evil being; the personification of the animal, instinctual parts of humanity.

XX. The Aeon (Reese)—sometimes known as Last Judgment or Atonement; forces us to acknowledge that our actions create a chain of cause and effect for which we are solely responsible. Represents self-judgment and, ultimately, forgiveness.

28 comments

novembre 5th, 2012

[…] Pour tout savoir sur King L, Chief Keef et la nouvelle scène de Chicago, cliquez ici. […]

novembre 5th, 2012

Je trouve le chapitre sur internet et le régionalisme un peu confus.

Premièrement ,le rap post-régional, on a inventé le terme parce qu’on devait avoir un truc à dire sur assap rocky, mais en 93 t’as the pharcyde et souls of misschief qui font du native tongue et tout le sud qui écoute et est influencé par E-40 et too short (et bien sur par dr dre mais ca via les canaux habituels). C’est déjà du rap post-régional (sans parler du rap français dont l’existence même est par définition post-régionale).
Tout ce que fait internet c’est faciliter beaucoup plus l’accès à des musiques qui ne sont pas diffusée par les médias traditionnels. Donc, oui on peut écouter des artistes qui sont à des milliers de km de nous (et être influencé par eux), mais ca ne change rien au fait que les gens qui vivent à différents endroits se créent inévitablement des particularités locales. Donc internet fait en sorte que certains artistes (comme assap rocky) empruntent des trucs à des scènes extérieures, mais ca ne vaut pas pour tous les artistes. (et puis même sans internet ca serait le cas, on ne passe pas que du rap new yorkais sur BET).

Par contre internet ne fait rien pour « hyper-régionaliser » une scène. Celle-ci a ou n’a pas ses particularités locales indépendamment d’internet. Alors tu dis que le web permet l’émergence de scène locale… faut me donner la définition d’émergence parce que moi je ne vois pas de scène locale qui a émergée grâce au net. Honnêtement personne ne connais g-side une fois sorti de notre cercle de nerd. Tu le dis d’ailleurs à la fin du chapitre (et contredis donc ce que tu dis avant), huntsville ne représente rien dans l’industrie, et pour que chief keef commence a peser il a fallu le cosign de kanye. (J’dois dire que je ne vois pas trop l’intérêt de comparer une énorme ville comme Chicago avec petite ville régionale comme Huntsville. Y a pas grand chose en commun au niveau des opportunités locales.) Faut donc un peu tempérer la puissance du buzz internet. A cet égard l’exemple des deux blogs est très bon. Il n’y sont pour rien dans le succès de keef. FSD poste tous les rappeurs provenant de chicago, si il avait un quelconque pouvoir pour faire marcher un artiste, tout chicago serait platine. Et shrimp a commencé à parler de keef alors qu’il était déjà sur les ipods de tous les jeunes chicagoans et remplissait déjà des grandes salles à là-bas.

Cool article sinon

ps : j’trouve bizarre qu’on ne mentionne jamais l’influence qu’a la légende du rap chicagoan des 00’s : bump j.

PureBakingSoda

novembre 5th, 2012

Sur le rap « post blablabla » c’est en gros ce que je voulais dire, mais j’ai pas été clair, parce que j’ai absolument pas développé.

Pour la suite, j’avoue que c’est encore plus confus. Je crois que c’est surtout dû au mal que j’ai à me sortir du moment et de ma façon de découvrir/consommer/’vivre’ le rap. Ma tentative d’avoir voulu tempérer avec des contre-exemples tombe à l’eau aussi pour ça. En gros j’ai surtout voulu dire que certains rappeurs qui n’avaient par le passé qu’une existence régionale, trouve maintenant plus facilement un public en dehors de leur ville, pas que c’est nouveau ou généralisé, juste un peu plus simple. Mais c’est sûr que juste le fait d’en parler ça donne l’impression de monter en épingle un micromicrophénomène.
Bref, je suis entièrement d’accord avec ce que tu décris.
Merci bien pour ces précisions.

novembre 5th, 2012

Pour un profane de Cha, c’est un très bon article même si un peu long et des fois riche en raccourcis.
A savoir que j’écoute très peu de rap « moderne », surtout quand il vient du sud, donc le drill c’est vraiment pas ma came. Sans surprise, j’ai trouvé la plupart des sons inaudibles (vocader / flows aux mélodies et cadences très très proches d’un son/MC à l’autre, et les instrus minimalistes-head bangers m’hérissent les poils) Ceci dit, je retiens Nino, et sa pure prod et le son de Project Mayhem, merci.

J’ai juste une question, « Atlanta: capital du rap » ?
Comment ? selon quels critères ? Quand ? Pourquoi ?

je renie pas le fait que le sud ait influencé une bonne part du rap us, car je le déplore. Mais cette réussite dans le rap de club ne me parait pas suffisante pour aller jusque là.

PureBakingSoda

novembre 6th, 2012

Tu écoutes peu de rap « moderne », je pense que c’est la raison pour laquelle tu refuses d’admettre qu’Atlanta est, depuis le début du 21ème siècle, ce qu’on peut appeler la capitale du rap.
Dis moi quelle autre ville a, sur cette période, accouché d’autant de rappeurs qui ont à la fois trustés les charts et les radios, influencés des palettes d’artistes à travers le monde et impacté sur les codes/sons de cette musique ? Atlanta ça ne se résume pas à de la musique de club en plus… Mais je pensais qu’aujourd’hui c’était clair pour tout le monde.

GabGab

novembre 6th, 2012

Ahaha, le Geyser est perdu dans les internètes !!

Article intéressant & qui m’a fait découvrir Tree, ainsi que le visage tuméfié de Katie Got Bandz.

Merci

Jeanmike

novembre 7th, 2012

Super blog et très bon article.
Je ne connais rien au rap de Chicago et tu m’as donné envie envie de découvrir cette scène. Même si j’ai aussi trouvé que beaucoup de son étaient inaudibles…
Mais je continue à creuser.
Bravo et merci

UFO

novembre 7th, 2012

C’est un article très intéressant !

Je trouve que c’est une bonne initiative de parler d’une scène plus que d’un artiste, car ça permet d’en découvrir plus (même si j’ai kiffé les biographies). Du coups, je vais surement me faire la discographie de Lil Durk, du Project Mayhem, je connaissais Tree, pas le reste du gang.

Tu devrais faire plus d’articles dans le genre, par exemple parler de la scène de Huntsville, je t’avoue que mis à part G-Side et Kristmas je ne connais pas très bien cette région, et j’imagine que les non-nerd ne doivent rien connaitre du tout.
Ou encore la scène Floridienne, mis à part les grosses tête, j’ai écouté Armstrong, Giulio 4 (d’autres artiste dont j’ignore la provenance surement) mais je pense louper beaucoup de talent venant de cette région. Tu me conseillerais quoi d’ailleurs ?

Bonne continuation

PureBakingSoda

novembre 7th, 2012

Je pense faire la même chose sur une autre ville justement, si j’ai le temps d’ici la fin de l’année

novembre 9th, 2012

[…] the download for “I Love Money” after the jump and also check out the recent article on the Chicago Drill Rap scene posted by our family at PureBakingSoda. Use google translate if you don’t speak french, but I […]

piagio

novembre 12th, 2012

A croire que le petit journal à lu l’article hahahaaha
http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid3351-c-le-petit-journal.html?vid=761617

une réaction?

PureBakingSoda

novembre 12th, 2012

Le peu qu’ils disent sur le rap, c’est évidement traité n’importe comment, mais bon on a l’habitude et c’est dans le fond vraiment pas grave du tout. Par contre la manière assez cynique qu’ils ont d’évoquer la violence et les jeunes qui s’entretuent est pitoyable. Les retours plateau avec l’abruti qui souris et fait mine de s’étonner « regardez comment ils parlent de la mort de Lil Jojo » ; « regardez comme ils n’ont pas peur de mourir » … et puis le traiter entre des choses plus légères… ces bobos incapables d’avoir un peu de discernement et de respect méritent la mort, ni plus ni moins. C’est tellement facile d’avoir leur posture dans les tours d’ivoires dans lesquelles ils ont vécu depuis leur naissance. Ces mecs ont manqué de problème et de violence, je rêve de leur faire connaitre ça.
A noter la tentative fallacieuse de faire le lien entre les morts et le rap, en sous-titrant « it’s bigger than rap » par « c’est ça le rap »…

novembre 15th, 2012

[…] le centre du rap en ce moment. Je vous l’explique là, et Pure Baking Soda vous le raconte ici. King L, l’un des artistes les plus en vue de la scène drill délivre sa toute nouvelle […]

acide94

novembre 21st, 2012

Quelqu’un pourrait me faire le projet de C-Sick « Yes Please », svp ?
Merci d’avance.
Au passage très bon article !!

novembre 23rd, 2012

[…] conseil aussi d’allez les lire, parce qu’on est pas des putes. Le premier est sur le site de @Purebakingsoda avec en prime des beaux dessins. Le second est d’ @ArnoFresh pour Slate. Mais restons sur […]

Vinleja

novembre 30th, 2012

Excellent article, comme quoi tout n’est pas si futile sur le net, merci pour ça. Un article sur Atlanta à venir ?

décembre 3rd, 2012

[…] mettant en vedette les principaux acteurs de sa ville illustrant le post de nos amis français de Pure Baking Soda. Une version commercialisable serait en production,  m’a-t-elle […]

décembre 16th, 2012

[…] Welcome to Chiraq, Drillinois […]

Future

janvier 4th, 2013

J’ai trouvé l’album de Chief Keef très décevant, les extraits étaient les meilleurs (à part peut-être le feat avec 50cent et Wiz). Beaucoup de prods qui se ressemblent…

Mais bon c’est que le début pour lui, en espérant qu’il libère son potentiel.

Gab

janvier 7th, 2013

« jusqu’à définitivement démontrer pourquoi Rap Genius est une aberration, jusqu’à pousser des semi débiles à polémiquer sur la violence qu’il dégage  »

1)Tu peux expliciter pourquoi tu considères Rap Genius comme une aberration? Car rien à voir mais par exemple pour le good kid mAAd city ça m’a un peu sauvé la vie (les ref aux anciens sons etc..)!

2) Quand t’opposes ça http://www.mtv.com/videos/news/819012/lupe-fiasco-breaks-down-over-the-ghosts-from-his-block.jhtml
aux tweets de Keef genre « Its Sad Cuz Dat Nigga Jojo Wanted To Be Jus Like Us #LMAO » ou « Lupe fiasco a hoe ass nigga And wen I see him I’ma smack him like da lil bitch he is #300″
ba c’est facile de direct parler dela violence de Keef blablabla mais il y a une part de vérité. Quand tu vois que même Kanye avait lâché son « 314 soldiers died in Iraq, 509 died in Chicago » t’es obligé de ne pas pouvoir cautionner. Donc polémique obligatoire selon moi. Enfin je comprends pas bien où tu veux en venir.

Bref j’aimerais juste des précisions stp!

Peace

PureBakingSoda

janvier 7th, 2013

1) Rap Genius n’est pas un simple site de lyrics, puisqu’il propose une explication des textes. En fait plutôt que de partir dans un long argumentaire bancal, je t’invite très fortement à lire cet article : http://www.nytimes.com/2012/07/15/magazine/lady-mondegreen-and-the-miracle-of-misheard-song-lyrics.html?pagewanted=all
Ensuite, avec Chief Keef, ils ont une histoire particulière. Le côté « aberrant » de Rap Genius, c’est de laisser croire que tous les textes de rap doivent et peuvent être interprétés, ont des références et des sens secrets, etc.
Sur cette idée, ils ont invité Chief Keef dans leurs locaux, l’ont posé devant un ordinateur avec ses lyrics affichés, et l’ont filmé en lui demandant « Alors, qu’est-ce que tu as voulu dire là ? » Si tu as écouté un peu Chief Keef, tu t’imagines bien que faire un commentaire du sens caché de ses textes c’est juste pas possible. Alors après 10 min où Keef leur fait des « bah quand je dis i don’t like, bah ça veut dire que je don’t like », il boucle leur video en la commentant (parce qu’ils adorent tout commenter, c’est un peu maladif chez eux) « Regardez Chief Keef est trop défoncé pour expliquer sa musique, son rap est nul parce que ses textes sont mauvais ». Donc voilà, eux pensaient sauver le hip-hop en démontrant pourquoi Chief keef était médiocre, alors que cette histoire montrait juste le côté très limité de leur démarche.

Et puis, cette histoire, parmi d’autres, a été le déclencheur de questionnements sur Rap Genius… qui se sont multipliés au moment où ils ont touché leurs millions de $… le site a été lancé par des gens qui expliquent n’avoir découvert le rap que 6 mois avant d’ouvrir leur site, dans le but de pouvoir expliquer l’anglais et l’argot incompréhensible des noirs aux blancs ‘éduqués’. Mais là je m’écarte un peu de la question… juste pour dire que j’ai personnellement plein de raisons de trouver ce site insupportable.

Je te fais une petite revue de presse si ça t’intéresse :

http://gawker.com/5953079/your-guide-to-rapgeniuscom-the-controversial-rap-lyrics-site-that-just-landed-a-15-million-investment

http://theblacktongue.wordpress.com/2012/05/17/rap-genius-is-stupid-2/

http://tumblinerb.com/post/34418855275/on-genius-and-geniuses

http://www.thefader.com/2012/10/29/ivy-league-entrepreneur-who-made-millions-for-rap-genius-we-are-orientalists/

2) Pour ce qui est des polémiques sur la violence de sa musique, please, c’est de la musique justement. Je dis pas qu’il faut jeter un voile d’ignorance sur le milieu dans lequel est fait cette musique, juste que c’est pas mon problème et que ca ne devrait être celui de personne DU MOMENT qu’on ne s’intéresse qu’à la musique. Chief Keef n’est pas responsable de la situation des quartiers de Chicago, il en est un produit. Donc polémiquer sur lui par rapport à ça, c’est un faux débat.

Yolo

janvier 9th, 2013

Ya Kembe X et Alex Wiley aussi! Les Ballons d’Or 2014 http://www.youtube.com/watch?v=LR-ivDah5gk

janvier 31st, 2013

[…] sur des beats de trap music dans son salon. La mélodie est lourde, le buzz se déclenche, et le mouvement Drill émerge de Chicago . On s’attend à ce que Chi-Town reprenne le lead sur Atlanta dans la production hip-hop […]

avril 10th, 2013

[…] sur des beats de trap music dans son salon. La mélodie est lourde, le buzz se déclenche, et le mouvement Drill émerge de Chicago . On s’attend à ce que Chi-Town reprenne le lead sur Atlanta dans la production hip-hop […]

avril 14th, 2013

[…] sur des beats de trap music dans son salon. La mélodie est lourde, le buzz se déclenche, et le mouvement Drill émerge de Chicago . On s’attend à ce que Chi-Town reprenne le lead sur Atlanta dans la production hip-hop […]

Aaron Warren

avril 22nd, 2013

Excellent article…moi je suis un grand de GBE surtout Chief keef que j`ecoute tous les jours

octobre 7th, 2020

[…] eux, pouvaient le définir clairement ? Encore raté. En 2012, le blogueur Purebakingsoda écrit ici : « Les sonorités de la « Drill Music » sont diverses, ont évolué avec le temps et […]

octobre 15th, 2020

[…] de refaire toute l’histoire déjà bien chargée de la drill, qui a été savamment racontée ici ou encore ici. Ce qu’il faut cependant comprendre, c’est qu’en Angleterre, le phénomène a […]