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Deuxième round, deuxième point, deuxième bilan, cette fois de la période s’écoulant de mi février à début avril environ. Comme la première fois, un petit retour sur une dizaine de sorties plus ou moins essentielles.

Young Thug – 1017 Thug

Young Thug est un espèce de diamant brut, un talent qui n’a encore été canalisé par rien n’y personne. Ce qui est intéressant avec lui, c’est que même sans aucun formatage, il se tourne naturellement vers un rap pop. Et si pour ça il est souvent comparé à Future, Young Thug en est en fait l’opposé parfait. Ou l’autre face d’une même pièce pour être plus exact, une sorte de version sauvage de l’Astronaute. Parce que quand l’un est allé travailler et canaliser son rap en studio, jusqu’à devenir une vraie pop star, l’autre le laisse libre d’aller dans tous les sens et garde un côté brut et naïf.

Future a fini d’entériner la destruction des frontières entre « rap » et « chant », et permet à des gamins comme Young Thug d’exister sans qu’ils soient qualifiés d’ « hybrides » ou de « rappeurs qui chantent ». Aujourd’hui et pour toujours, c’est aussi ça « le rap ».
Alors évidemment, Future est loin d’être le premier à avoir joué sur ce terrain, et pas si longtemps avant lui, Lil’ Wayne était l’un de ceux qui faisaient le plus trembler cette limite. Il y a aussi beaucoup de Lil’ Wayne dans Young Thug. D’une certaine manière, on se demande s’il n’est pas ce qu’aurait donné Weezy si ses expérimentions pré-Carter III avaient abouti à plus qu’une poignée de titres éparpillés, si Prostitute Flange et Lollipop avaient été des modèles pour des albums entiers de Lil’ Wayne.

Les additions de bonnes influences, même bien digérées, n’ont jamais suffi à faire un bon artiste. Si Young Thug est remarquable, c’est parce qu’il a réussi à se construire malgré tout son propre univers, ses qualités et sa personne transpirent par dessus ses inspirations. Son espèce de folie douce, l’impression constante qu’il perd lui même le fil de ce qu’il raconte et son hyper spontanéité en font un vrai personnage, mi bizarre mi sauvage.

Des refrains emboités en poupées russes jusqu’aux couplets qui sonnent comme des refrains, tout est prétexte à ce que Young Thug étire sa voix dans toutes les directions pour créer des mélodies, à la manière d’un ado qui aurait appris à contrôler sa mue. En guise de production on retrouve sur 1017 Thug une majorité de squelettes des beats que l’on commence à entendre un peu trop à Atlanta, avec les caisses claires roulées ou les filtres passe-bas. Mais Young Thug arrive malgré cela à produire quelque chose d’autre qu’une tape d’Atlanta standard, grâce à sa manière de faire évoluer l’air de ses titres avec son rap/chant et son grain de folie. Et l’immense majorité de ses lignes pouvant être transformées en gimmick, il y a fort à parier que même a capella Young Thug reste divertissant. Alors quand il est accompagné par une petite ritournelle de comptine, des synthés de fête foraine (eurodance Lex Luger!!), ou en duo avec Gucci et PeeWee avec qui il a une belle complémentarité, la cassette touche le ciel.
1017 Thug n’est pas parfaite, certains titres étant difficile à écouter jusqu’au bout une fois le refrain passé, mais il est encore plus dur de ne pas être enchanté par ce gamin.

Mentions spéciales pour l’explosif 2 Cups Stuffed qui est un peu son Same Damn Time, Nigeria avec PeeWee et Gucci Mane, qui nous rappelle que toute cette forme de rap trouve une part de ses racines en Jamaïque, et à Picacho, pour ses gimmicks retardés, beuglés sur ce qui pourrait presque être un générique de Pokemon.

Lil’ Wayne – I’m Not A Human Being 2

Dans IANAHB2, Lil’ Wayne n’a toujours pas compris qu’il n’y a plus besoin de faire du rock pour être une rockstar. Les riffs de guitares très gênants et les moments où il essaie péniblement de nous persuader qu’il est un chanteur de pop punk sont donc toujours là.
Dans IANAHB2, Lil’ Wayne n’a pas non plus retrouvé toute la créativité qu’il a perdu depuis plusieurs années. Pire, alors qu’il a été un des rappeurs les plus influents des années 2000, on le retrouve aujourd’hui à singer la musique des stars du top tiers, les Future, Drake et autre 2 Chainz (qui eux même font une musique que Weezy a inventé, vlà le serpent qui se mord la queue).
Pourtant, c’est son meilleur disque depuis 5 ans, et pas seulement parce que les précédents sont mauvais.

Le disque s’ouvre avec une longue intro au piano, sur laquelle Lil’ Wayne parle de sa bite avec (presque) autant d’intensité que quand il pleurait les dégâts causés par l’ouragan Katrina. Une intro qui résume assez bien l’état d’esprit dans lequel est Weezy aujourd’hui : il n’a pas forcément perdu tout son talent, il n’en a juste plus rien à foutre et se contente d’opérer depuis sa petite zone de confort. Sans doute plus de quoi faire de grands disques, mais bien assez pour produire de l’Entertainment de qualité, juste en continuant d’être ce drôle de martiens weirdos obsédé par sa quéquette.
On retrouve à la pelle des métaphores aussi drôles qu’attardées, des messages de haine envers l’Amérique (et son système judiciaire en particulier), le haut du panier des tubes radios grâce au duo Future/Mike Will, et des apparitions du toujours amusant 2 Chainz. Bref, juste ce qu’il faut pour qu’un album de Lil’ Wayne nous divertisse.
Mais le vrai plus qui aide ce disque à s’hisser au dessus des précédents, ce sont d’abord les trois titres produits par l’immortel Juicy J. Ce dernier a simplement réutilisé – sans en modifier la formule d’un iota malgré un passage par la case « major » – le son qu’il a concocté il y’a quelques années avec Lex Luger : un mélange des ambiances horrorcores de Memphis et des boites à rythme de club d’Atlanta. Ajoutez à ça le premier titre surréaliste, les tubes radiophoniques, le mi touchant mi gênant et quasi Pluto-esque Romance, et vous tenez un album qui pourrait vous réconcilier un peu avec Lil’ Wayne, si vous aussi vous pensiez qu’il était mort en 2008. L’ex meilleur rappeur vivant n’a plus la hargne d’antan, mais avec cet INAHB2, démontre qu’il est au moins capable de tirer le meilleur jus de ses invités, qu’ils soient rappeurs ou producteurs.

Inclus également : Gunplay qui continue de marcher sur l’eau, et le premier bon couplet de la carrière de Gudda Gudda.

Foxx – Cold Blooded / Eddie Starks – Power Move

Le tour de force de la Trill Fam, c’est d’arriver à rendre belles les choses les plus tristes et horribles qu’il soit. Plus leurs amis meurent, plus leurs problèmes avec la justice augmentent, plus leur ville sombre dans la misère, et plus leur musique est belle et tristement joyeuse. Aujourd’hui les bluesmen ne font plus de blues, mais de la Bounce Music et de la Country Rap Tunes, et en attendant que Boosie soit libéré, Foxx reste le meilleur représentant de cette famille de rappeurs maitres de l’émotion voyou. Musique pour pleurer de vraies larmes bien viriles sur des cloches, des pianos et des guitares country.

One Way avec Lil’ Cali (qui a donc probablement réalisé la prod) concoure déjà pour une place au podium des chansons de l’année. Ce serait bien que ce genre de titre emo-parano soit plus nombreux sur ses projets. Et si son Mayweather de l’an dernier reste supérieur à cette mixtape, elle reste indispensable, au moins pour entendre Foxx mettre un peu d’âme à des prods piquées à des rappeurs fruités.

On retrouve Foxx sur Power Move d’Eddie Starks. ENCORE une bonne sortie en provenance de Baton Rouge. Je profite de cette tribune offerte par mon sponsor pour remercier la légende Frankie Tha Lucky Dog, qui upload et partage ces sorties sur le net, et sans qui elles ne quitteraient pas Baton Rouge, ainsi qu’ANU l’homme-lien pour sa veille active.
En plus de Foxx, on y retrouve Kevin Gates, C-Loc, Max Minelli, DJ B-Real, Mouse On Tha Track, soit une sorte de All Star Game local. La moitié de la tape est produite par un gamin du Minnesota appelé Zachary « Zone » Glaros, qui dans son approche de la prod Country rappelle parfois les Block Beattaz d’il y’a quelques années.

Boldy James – Grand Quarter EP

Originaire de Detroit, Boldy James est le cousin de Chuck Inglish, dont on reconnait sans peine la pate sur cet EP puisqu’il y produit la moitié des titres. Le timbre blasé de Boldy s’accorde parfaitement aux productions minimalistes de Chuck. Exactement ce qu’il faut pour laisser vivre son flow un poil monocorde, que l’on voit mal se déployer sur des prods plus complexes. C’est supérieur à tout ce qu’ont pu faire les Cool Kids ces dernières années, et il y a une prod des Block Beattaz cachée quelque part dedans, sur laquelle Boldy James se laisse aller à pousser la chansonnette.

Bon apéritif avant son album entièrement produit par Alchemist prévu pour plus tard dans l’année.

Bird Money – The Book Of Bird Money The Name Speaks For Itself

Un peu comme Kansas City, Akron dans l’Ohio semble avoir une connexion un peu mystique avec la Bay Area. Cet album de Bird Money est là pour encore le prouver, avec les présences de Joe Blow, Lil Rue ou Jacka et des productions qui sonnent comme si les producteurs venaient d’Oakland ou San Francisco. Samples de voix pitchées, de pop ou jazz smooth des années 80, pour une ambiance mafioso, avec ses histoires d’écailles de poissons et d’argent d’oiseau. Comme son nom l’indique. Dans la lignée de l’excellent Cop Heavy Gang 2 de Young Bossi et Ampichino l’an dernier, une très bonne surprise.

Young Wappo – Not Guilty

Très éclectique dans le choix des prods, Wappo saccade son flow juste ce qu’il faut pour découper des briques sur des synthés bouclés sur des snares roulées, part en double-time sur des snaps ratchets, transforme son rap en chant sur les refrains et les synthés façon Beat Bully ou cruise sur des routes g-funk. Vu la récurrence du thème, le garçon semble avoir eu quelques démêlés avec la justice de San José (sans doute pas pour rien que la mixtape s’appelle Not Guilty), mais à part ça je ne sais pas grand chose sur ce garçon, dont la cassette m’a été conseillé par le Boss Tuego.

HD of Bearfaced – No Days Off

Ca parle souvent d’HD ici, un de mes rappeurs préférés de ces dernières années. Il continue à faire ce qu’il sait faire de mieux, parler de guap et de poulet sur des mélodies légères, tout en devenant toujours un peu meilleur et en élargissant le spectre de sa musique. Cette fois, il ajoute à sa panoplie de rappeur une utilisation très subtile de l’autotune. Si ses albums avaient les finitions qu’ils méritent, en se débarrassant par exemple des problèmes liés au mastering amateur, la vie serait parfaite.

Tyler, The Creator – Wolf

Le précédent disque de Tyler avait une photo de Buffalo Bill en guise de pochette. Buffalo Bill, en plus d’être ce vieux fils de pute qui a exterminé les bisons puis vendu son boule à l’industrie du spectacle, c’est aussi le nom du tueur dans le Silence des Agneaux. Le modus operandi de ce psychopathe consiste à kidnapper une femme, puis à lui retirer délicatement la peau pour pouvoir se l’enfiler comme un manteau. Sa manière à lui de se travestir sans doute. Tyler, c’est un peu Buffalo Bill aussi, sauf que ses victimes s’appellent Pharrell Williams, Chad Hugo, Eminem parfois… Quand Buffalo Bill enfile la peau de ses victimes, forcément il n’arrive pas à ressembler à une femme. Tout au plus il devient une espèce de version difforme de ses victimes, parce que les formes de son corps d’homme apparaissent beaucoup trop sous les lambeaux de peaux. Tyler a le même problème. Sa personnalité l’empêche de devenir complètement Pharrell ou Eminem, en déchirant son costume de Neptunes par excès de caractère, d’individualité. Mais si c’est, j’imagine, dommage pour Buffalo Bill, c’est tout ce qui rend Tyler intéressant.

Casino – Ex Drug Dealer

 + 

Xtra – New King of the South

Une sortie Big Gates Records c’est la certitude de se faire violenter pendant une heure par des infrabass à 45 bpm, avec plein de bruits de petites bulles électroniques qui viennent chatouiller l’oreille interne. En surface ça a l’air brut et brouillon, mais une fois dedans on est happé par l’orfèvrerie, les prods au millimètre, la putain d’horlogerie suisse. Walter White Music.

A écouter aussi : King Louie – March Madness ; Harry Fraud – Adrift ; Cassie – RockaByBaby ; Vos mamans.

Je relance avec cinq titres à côté desquels il est interdit de passer :

Young L – Atari

Young L lève un peu le pied sur les synthés slappés et les grosses bass. Il revient à ce qu’il faisait déjà sur son premier album, les chansons sucrées autotunées (Centerfold, Baseball Bat) qu’il maitrise plutôt bien. A entendre ces synthés analogiques on se demande s’il n’a pas été récemment traumatisé par Kavinsky. Rap Game Paul McCartney ?

Future – No Love

J’ai allumé NRJ en 2016 et ils jouaient cette chanson à l’harmonie qui ferait pleurer le Diable. Rap Game Frank Sinatra ?

Tree – Trynawin Feat. Roc Marciano

Combinaison haut de gamme, d’une part entre le flow ectoplasme de Tree et celui plus sec de Marciano, puis entre la trap soul du chicagoan et les images gangsters et décalées du new-yorkais. Sunday School II va être immense comme Tim Duncan.

Chief Keef – Where He Get It

Plus les jours passent, plus Chief Keef se transforme en la fumée noire de Lost. Un jour il se mettra à rapper sans ouvrir la bouche, juste en geignant sur de la noise music avec des bass de club et la mélodie du générique de Batman. Ah, bah il le fait déjà presque sur ce titre en fait, et c’est magnifique.

Suga Free & Pimpin’ Young – 15 Minutes to 5 Feat. Nate Dogg

La légende Suga Free qui ressuscite Nate Dogg. Si ça ne vous suffit pas, je vous prie de bien vouloir partir s’il vous plait. Extrait d’un EP prévu pour le 17 mai prochain.

On se prépare psychologiquement pour le troisième round de 2013 qui s’annonce déjà comme le plus intense de l’année avec les albums de Mitchy Slick, Young L, Young Scooter, Gucci Mane, les mixtapes de Tree, Fat Trel, Meek Mill, Young Thug (x2) et probablement des trucs insoupçonnés.
Toujours pas de trace de L’Album. Mais on ne désespère pas, un cierge est allumé chaque matin, et nous continuerons à tourner les corps de nos morts vers Medellin en attendant un signe du guide Adolf Sniffler.

Illustrations : Bobby Dollar 

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Internet étant devenu un terrain de jeu trop petit, Pure Baking Soda & Le Lac de Feu ont décidé de s’allier afin de conquérir la Matrice avec une collection intitulée Cooking by the Book.
L’idée de cette collection est de faire à chaque numéro le focus sur un rappeur, un label, un groupe, ou un sous-genre de rap ; un peu à la manière de ce que vous aviez parfois pu lire ici, mais en plus travaillé.
Chaque numéro pourra être lu indépendamment des autres, mais tous ensembles nous espérons peindre un panorama assez complet de l’Histoire du rap et des figures qui l’ont marqué.

Je m’occupe des textes, qu’illustre Hector de la Vallée. Le tout mis en page par Guillaume Grall et publié par Les éditions FP&CF. Chaque numéro sera aussi disponible dans une version traduite en anglais et accompagné d’un mp3 (remix, morceau inédit, etc.) à télécharger ici ou sur le site des éditions FP&CF.

Le premier volume de la collection sera libéré au monde le 16 avril prochain. Vous l’avez certainement déjà compris, il reviendra sur la naissance et les premières années de la carrière de Big Boi et Andre 3000. Et pour fêter ce premier numéro, nous organisons un évènement de lancement au Complot à Paris, de 19H à 00H00. On espère vous y voir nombreux.

Cliquez ici pour accéder à l’évènement Facebook.

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Prenons rendez-vous sur PBS, tous les mois et demi, pour un point sur l’actualité de la seule chose qui compte un peu dans la vie : le rap. Comme toute bonne résolution, il y a de fortes chances que je ne m’y tienne pas plus de six mois, mais contrairement à Homer face à Drederick Tatum, essayons quand même de tenir plus d’un round. Pour cette fois, une dizaine de projets indispensables de ce début d’année et une liste de rookies aux dents longues.

Problem & Iamsu ! – Million Dollar Afro / YG – Just Re’d UP 2

Problem et IamSu! avaient l’an dernier sorti les deux meilleures mixtapes du halo « ratchet », triolisme jerk/hyphy/bounce ralenti à outrance pour en essorer tout ce qu’il y a de plus salace. Le premier est originaire de L.A. où le mouvement a germé, le deuxième de la Bay Area, comme les synthés clubs utilisés par les producteurs ratchet.
Les deux copains ne cachent pas leurs influences et sont en plus entièrement approuvés par leurs illustres prédécesseurs, en atteste leurs featurings avec E-40, Master P ou, sur Million Dollar Afro, avec Juvenile et Too $hort.
Ce projet en duo est encore réussi, même si dans l’équation on a perdu un peu de ce qui faisait aussi le charme d’IamSu!, les titres un peu plus relax et matures qu’on trouvait au milieu de Kilt!, son dernier album.

Sur Just Re’d UP 2, on retrouve les Romus et Romulus du ratchet, le rappeur YG et son producteur DJ Mustard. Rap de (strip-)club où le minimalisme des prods est inversement proportionnel à l’arrogance et à la concupiscence du rappeur. Les ambiances autotunées de Ty Dolla $ign semblent s’être complètement dilluées dans l’univers d’YG. Au départ juste pourvoyeur de refrains, il a maintenant transformé toute une partie du rap de son ami en quelque chose de plus smoothie, tirant vers le R’n’B (cf. Love Jones ; On The Set).

Master P – Al Capone / Louie V Mob – New World Order

Master P de retour à faire ce qu’il fait de mieux : analyser le rap à la mode pour nous le resservir à sa sauce. Dans la veine de ses imitations de Tupac et Scarface serties de diamants, le voici maintenant plein de MMG, BS et YMCMB ingérés par intraveineuse. Mais parce qu’il a le taux de midi-chloriens le plus élevé de la galaxie, ça fonctionne. Certes pas à tous les coups, sur Al Capone l’imitation Rick Ross est parfois trop grossière, mais sur les deux tiers des titres il arrive quand même à nous convaincre que le Tank est éternel.
Quasi systématiquement entouré de deux des meilleurs rappeurs dans leur catégorie, Fat Trel et Alley Boy, on est en plus parfaitement servi en rapping gangster, technique et charismatique. Dommage cependant que l’alchimie entre les trois ne soit pas optimale. On reste souvent coincé au niveau des « featurings » sans jamais vraiment atteindre celui du « super-group ». Et puis, même s’il n’est pas dans la même forme que sur ses projets solo, à chaque fois que Fat Trel entre sur un morceau on a qu’une envie : n’entendre plus que lui.

Après tant d’années, dont une longue période de quasi-retraite, il est impressionnant de voir que Master P a encore le don pour comprendre ce qui marche, et arriver à se placer parfaitement sur l’échiquier rap. A la manière d’un champ magnétique il attire vers lui ce qu’il peut s’approprier sans contredire son personnage (la trap sans remord du Brick Squad, le mafioso rap grandiloquent de Rick Ross), et repousse tout ce qui pourrait nuire à sa crédibilité à coup de pics méprisantes bien senties (la mode des rappeurs émotifs et/ou obnubilés par les grands couturiers).
The Last Don continue de rapper avec la rage de ses 22 ans, alors qu’il en a plus du double, et rien que pour ça ces deux mixtapes sont des indispensables du début d’année.

Kevin Gates – The Luca Brasi Story

Avec son timbre rauque et son articulation parfaite, Kevin Gates arrive à nous faire tenir d’un bout à l’autre de Luca Brasi Story sans sauter une piste. Il y a vraiment peu, voir pas, de déchets et plusieurs titres très différents mériteraient le traitement « single » (cf. Paper Chasers ; Narco Traficante ; Arms of Stranger). Vraie petite star à Baton Rouge, cette mixtape marque son ouverture vers un public (géographiquement) plus large, notamment grâce aux évidentes influences du rap moderne (Future/Drake/Mike Will) qui s’ajoutent à des racines Louisianaise toujours bien marquées. Son featuring sur la plutôt soporifique tape de Pusha T semble l’avoir aidé à se retrouver dans le radar des médias qui l’ignoraient depuis des années, espérons que cela incite Cash Money à le mettre davantage en avant.

Gucci Mane – Trap God 2 / Young Scooter – Street Lottery

Chroniquer une mixtape de Gucci Mane, c’est un peu comme juger une scène d’un épisode d’une série qui a plusieurs saisons. Etant donné sa personnalité et son œuvre gargantuesque, on se sent toujours obligé de tout replacer dans un ensemble, de comparer avec ce qu’il a fait avant, d’en tirer des conclusions sur ce qu’il sortira ensuite, etc.
On manque encore un peu de recul pour dérusher complètement Trap God 2. Ce qui est sûr c’est qu’elle est supérieure au premier volume et qu’on y trouve quelques un des meilleurs titres de Gucci des dernières années. Moins de featurings et de prods farfelues, ce qui laisse plus de place à Gucci Mane pour mettre en valeur son écriture et son phrasé. Et une nouvelle fois, Lex Luger y apparaît comme un producteur injustement sous-estimé, en dépit de sa surexploitation depuis 2010. Il serait temps qu’en dehors de Gucci et Waka, les rappeurs et le public comprennent qu’il ne sait pas faire que des imitations d’Hard In The Paint (cf. Scholar).

Si sur Trap God 2 Gucci fait plus appel à Zaytoven que lors de ses 3 derniers projets, c’est peut être lié au retour en grâce que lui a offert Young Scooter. Sur Street Lottery, Scooter est aller puiser dans le fin fond des trips du producteur originaire de la Bay Area, pour construire un projet autour des sonorités qu’il développe depuis So Icy. Le retour à une trap music autant conduite par une belle mélodie que par ses bass de club et ses snares de TR-808. Et un grand merci pour  avoir sorti du formole ce Mase encore affamé.

« They shot my homie for nan, killed my homie for nann. I smoke blunts everyday to try to wish it didn’t happen, but I can’t bring him back because I’m only mortal. People think I’m a god, but to me, I’m only normal. »

Si un jour Gucci, Wooh et Waka se décident à faire un album ensemble en hommage à Slim Dunkin, je pense pouvoir régler tous les problèmes liés au manque d’eau sur Terre, avec mes larmes.

Mouse On Tha Track – Millionaire Dreamzzz / Drama Boyz – We About Dat Drama / DJ B-Real – Pay Da Producer Vol.1

Avec son rythme de deux mixtapes par an, Mouse On Tha Track est aujourd’hui le membre de la Trill Fam le plus productif. Etant donné que Lil Boosie est toujours en prison, que Lil Phat a été assassiné l’an dernier, que Webbie est paresseux, c’est vrai que c’est pas ce qu’il y a de plus difficile, mais heureusement que Mouse et Foxx sont là. Par contre, continuer a entretenir la légende Trill Fam avec autant de projets de qualité, dans un contexte compliqué à plus d’un égard, c’est un vrai tour de force.
L’exosquelette de Millionaire Dreamzzz est toujours fait de la traditionnelle Bounce music Louisianaise, ses beats pleins de claps, de cowbells et de bass bondissantes, qui arriveraient à faire danser le cadavre paraplégique de Christopher Reeve tellement le niveau de fun est élevé.
En tant que rappeur Mouse ne cesse de progresser. Sa personnalité s’affirme et son flow chantonné s’accorde de plus en plus à ses beats pour faire de lui un véritable rappeur et plus seulement un producteur qui rap. Enfin, toutes mixtapes possédant un couplet de Mystikal devenant automatiquement « indispensable », c’est faire une grosse erreur que de passer à côté de Millionaire Dreamzzz.

B-Real est un nom que les fans de Lil Boosie connaissent bien. Pour les autres, ne le confondez pas avec le MC au nez bouché de Cypress Hill, DJ B-Real est avec Mouse On Tha Track un des producteurs les plus utilisés par Boosie et la Trill Fam. Et comme Mouse, il est aussi parfois rappeur sur ses propre prods.
Sur des bases bounce, B-Real rajoute toujours à ses beats une idée ou un élément fun supplémentaire : une flute, un air de steel-drum, un sample hyper-grillé, le son d’un lit qui grince, des bruits d’animaux, etc. Tout pour qu’au bout de ses projets vous ayez la pêche et la banane (Cinq fruits et légumes par jour).
Quand il est accompagné des rappeurs Infa Red et Nephew, B-Real devient membre des Drama Boyz. Leur album We About Drama est à priori disponible à Baton Rouge depuis un an, mais il a fallut attendre début février 2013 pour le trouver sur internet, grâce à l’upload du célèbre bloggeur local Frankie Tha Lucky Dog (15$ la review de votre mixtape si vous n’êtes pas de Baton Rouge).

Sleepy Brown – ATL = A Town Legend

Après une intro en spoken-words du poète Big Rube, à moins d’avoir découvert la musique d’Atlanta avec des merdes comme « All Gold Everything », vous savez tout de suite où vous êtes. Pas une once de nostalgie ou de respect mal placé dans mes propos : cet EP est vraiment très bon. Sur sept titres à peine, Sleepy Brown puise dans tous ses vieux amours: soul, funk, country, rap, avec toujours ce savoir faire qui lui permet de faire dans des « vieux pots » quelque chose qui sonne encore actuel. Un peu de Curtis Mayfield, de Barry White via un featuring de son fils, de vieille campagne d’Atlanta, pour une ambiance rappelant autant la Blaxploitation comme quand elle remise à neuf par Tarantino que tout le vieux Sud des USA.
Aucune idée si l’album « Sex, Drugs & Soul », annoncé depuis plusieurs années, est toujours d’actualité, mais on a qu’une envie après cet EP, c’est d’en entendre plus. Si Big Boi souhaite arrêter ses conneries pour hipsters avec Chris Carmouche, qu’il soit bien avisé que Pat Brown est toujours chaud, chaud, chaud.
Un peu triste qu’un si bon EP, usiné par l’un de ceux qui a aidé à placer Atlanta sur la carte du rap, soit totalement ignoré…

J’ai aimé aussi : F.B.G. The Movie ; Cops & Robbers ; Gift Of Gab 2 ; Goldenheart

PBS’ FRESHMEN 2013

Comme vous le savez peut-être, ou pas, tous les ans le magazine XXL nous sort une couverture un brin frelatée mettant en avant ce qu’ils considèrent être les 10 nouveaux rappeurs qui vont marquer les années à venir. Ils se sont très souvent trompés, être sur cette couverture n’apporte absolument rien aux rappeurs en question, bref, c’est en général un vrai non-évènement, mais il faut avouer que l’exercice est amusant. Donc vous l’aurez compris, pour faire comme l’ami Nemo, voici ma liste.
Il est difficile de comprendre comment XXL choisit ses rookies, certains ont parfois des années de carrière derrière eux quand d’autres semblent avoir été sortis d’un chapeau magique. Moi, je vais essayer de ne pas mettre des rappeurs qui, même s’ils n’ont pas encore totalement explosé et qu’on entendra beaucoup parler d’eux en 2013, sont quand même là depuis assez longtemps pour avoir plusieurs projets et un vrai succès d’estime. Donc, j’élimine à contre coeur King Louie, Fat Trel, Gunplay, Schoolboy Q, Ab-Soul et Earl Sweatshirt, qui même s’ils franchiront de toutes évidences un cap cette année, sont connus de trop gens, depuis trop longtemps, pour être considérés comme des rookies.

Shy Glizzy (D.C.)
Ressemble à : Lil Wayne
Taux XXL : 18%
A écouter : Fxck Rap / Law

Signé sur MMG à l’été 2014 si quelqu’un l’aide à progresser d’ici là. (Vas y Gunplay apprend lui ces choses). Je vous vois déjà froncer le naseau mais prenez le temps de vous habituer à sa voix. Comme beaucoup de jeunes rappeurs sur ce créneau, il a de toutes évidences été élevé en écoutant aussi bien Lil Wayne que le Brick Squad, mais il est un des rares à ne pas en avoir capter que des sonorités et des gimmicks, mais aussi leur humour plus subtil qu’il n’y parait.

Ice Burgandy (Los Angeles)
Ressemble à : Inglewood Brick Squad.
Taux XXL : 0%
A écouter : Progress Involves Risks Unfortunately

Cf. ce que j’en disais dans ma récap de l’année 2012.

Young Scooter (Atlanta)
Ressemble à : Rocko/Future.
Taux XXL : 45%
A écouter : Street Lottery

Ma chronique de sa dernière mixtape sur DumDum.

Young Thug (Atlanta)
Ressemble à : Lil Tunechi encore affamé.
Taux XXL :  50%
A écouter : I Came From Nothing 2

Imaginez qu’au lieu de devenir une version trisomique de lui même, Lil Wayne soit mort juste avant le Carter III, que des scientifiques l’aient cloné et fait grandir l’embryon dans la maman de Nayvadius Wilburn. Imaginez maintenant que cet enfant ne sache pas quoi faire de son talent, mais que le Trap God décide de l’aider à trouver ce qu’il pourrait bien en faire. Et bien cette histoire est réelle, c’est celle de Young Thug.

Kevin Gates (Baton Rouge)
Ressemble à : Young Bleed/Drake avec une paire de couilles.
Taux XXL : 10%
A écouter : The Luca Brasi Story

J’avais dressé son portrait y’a 3/4 mois sur ma chaine Def Jam.

Jose Guapo (Atlanta)
Ressemble à : Ghetto Travis Porter.
Taux XXL : 45%
A écouter : Cash Talk 3

Ancien membre du trio Rich Kidz, il traine aujourd’hui dans les pattes de Shy Glizzy, Young Scooter et Young Thug, avec qui il partage des couplets et des producteurs (Will A Fool, Zaytoven, Nard N B, 808 Mafia…).

Alpoko Don (Greenville)
Ressemble à : A capella Scarface
Taux XXL : 0%
A écouter : The Ol’ Soul EP

Je vous renvoie à ce que j’écrivais récemment à propos de lui sur  le site de Def Jam.

IamSu! (Richmond)
Ressemble à : Fils caché d’E-40
Taux XXL : 60%
A écouter : Kilt!

Depuis que des enfants de Los Angeles se sont appropriés des trucs de la Bay pour en faire des hits internationaux, on dirait bien qu’il va être possible pour des rappeurs de là bas d’avoir l’exposition qu’ils méritent. IamSu! devrait être le premier.

Ty Dolla $ign (Los Angeles)
Ressemble à : DJ Quik ratchet
Taux XXL : 50%
A écouter : Beach House

Est-ce que c’est un chanteur qui rap ou un rappeur qui chante, j’en sais rien et je m’en fiche complètement. Non seulement ses refrains sont imparables (et déjà pompés par les stars du R’n’B) mais en tant que producteur il est avec Cardo l’un des meilleurs à entretenir une flamme Cali-funk, en la transformant en quelque chose de plus moderne et sensuel.

Problem (Los Angeles)
Ressemble à : Tyga en mieux, avec 20 kilos de plus.
Taux XXL : 40%
A écouter : Welcome To Mollywood 2

Bonus onzième homme :

PeeWee Longway (Atlanta)
Ressemble à : Gucci Mane
Taux XXL : 0%
A écouter : M.P.A.

C’est mon pari. Je n’ai entendu que quatre couplets du gros PeeWee mais je suis déjà fan. Il rap vraiment comme un mini Gucci Mane, qui d’ailleurs l’a pris sous son aile. Ils ont un projet en duo dans les cartons qui s’annonce plein de jeux de mots et de métaphores cartoons pour parler de drogues et d’armes à feu. Le Brick Squad c’est comme No Limit, ça ne meurt JAMAIS.

Mais bon, tout ça n’est qu’une liste de noms, de jeunots qui ont encore beaucoup de choses à prouver. N’importe quel couplet de Gucci, Gunplay, King Louie, Fat Trel, Mystikal ou Starlito aura infiniment plus d’intérêt que des albums entier de ces petits gars. Enfin, comme chaque année depuis que ma mère a perdu les eaux, la seule chose que j’attend c’est de pouvoir mettre mon exemplaire de Medellin dans le mange disque de ma Bugatti Veyron Super Sport. S’il m’arrivait de prendre une balle perdue avant le jour j, merci de m’enterer nu avec un exemplaire du futur meilleur disque de l’Histoire.

Free Boosie, Free B.G., Free Max B, Free C-Murder, Free Armstrong, R.I.P Tim Dog.

Illustrations : Hector de la Vallée