sosoda

Manger On McNichols est absent des plateformes de streaming et cela donne un intérêt supplémentaire à sa déclinaison physique. Avec l’album entre les mains, l’artwork grand format communique mieux l’aspiration de l’artiste, Wes Taylor, et la manière dont il illustre le contenu et son thème. On y voit l’œil peint de Boldy James, fixant l’extérieur à travers un œil de bœuf fait de petites sculptures de la Nativité positionnées en couronnes. Le dégradé de couleurs chair et l’expression du regard tranchent avec le blanc figé et fissuré des personnages de marbre. L’un est plein de confiance, de colère, parait vicié mais bien vivant. Les autres sont immaculés, visiblement purs et innocents mais semblent morts. Ce que fixe Boldy James avec défi est ce qui a transformé les innocents en statues : Medusa, la gorgone des mythologies grecques, et métonymie de Detroit, comprise à la fois comme une ville et un système chape de plomb.

A travers sa biographie et donc l’expérience personnelle de Boldy James, Manger On McNichols raconte cet environnement, ses victimes bien sûr, mais surtout ceux qui lui ont survécu en acceptant de s’inoculer un peu de son mal, comme un vaccin. Ceux-là sont des « ConCreatures ». Devenu le nom d’une entité opaque à laquelle Boldy James fait référence, ConCreatures désigne d’abord un état d’esprit et ceux qui, comme lui, l’embrassent pour tenir le regard de Medusa. Aussi originaires de Detroit, Drexciya ont imaginé un peuple de créatures sous-marines dans l’esprit de celles qui habitent l’Atlantide, descendantes des esclaves jetés à la mer entre l’Afrique et l’Amérique pendant la traite des Noirs. A leur manière, les ConCreatures de Boldy James sont aussi une sorte de nouveaux sapiens, fils des travailleurs Noirs arrivés jusqu’à Detroit, endurcis, voire anesthésiés, par les circonstances. Comme le laisse entendre un autre habitant de la ville, le militant révolutionnaire James Boggs, samplé en introduction, le capitalisme a attiré ces populations avec l’illusion d’une « Terre Promise », avant de broyer leur avenir et leurs espoirs avec les crises. C’est dans ce contexte que Boldy James entre en scène, ConCreature parmi les gorgones et les poltergheist, qui nous raconte sa vie hors-la-loi et la fin de sa mutation.

L’enregistrement de Manger On McNichols a débuté en 2007. Replacée sur la chronologie des œuvres de Boldy James, il s’agit donc d’une préquelle sur l’origine de sa personnalité et de son style. On découvre qu’il a déjà son interprétation froide, son air impassible, mais grâce à ce retour dans le temps et dans le passé de l’interprète, ces choix stylistiques prennent sens. Ses vers courts, faits d’images flashs et d’impressions fugitives, matérialisent Detroit par touches, la rendent familière et tangible même pour un étranger. Des qualités d’immersion que Boldy James a surtout utilisées pour transcrire des ambiances et des activités, un peu moins pour se décrire lui-même. Ici, sous l’impulsion de Sterling Toles qui l’invite à être plus personnel, son écriture impressionniste sert aussi à matérialiser sa mémoire pour plonger dans sa psyché.

Ces souvenirs ressemblent à une succession de nouvelles qui l’ont figé dans son attitude, et bien qu’évoqués de manière fragmentaire, ils sont habilement mis en scène pour transcrire leur impact. Sur Medusa par exemple, l’idée d’un bébé à venir est utilisée comme un fusil de Tchekhov. Il devient, après l’accident de Middle Of Next Month, les cadavres de ceux qui auraient dû être ses jumeaux. La crainte de l’arrivée d’un enfant n’est pas apaisée par la paternité, mais remplacée par un double deuil. S’active alors, avec Mommy Dearest, des questionnements sur sa propre naissance, présumément non voulue, et le point de non retour est atteint. Le nihilisme et la sérénité d’apparence de Boldy James prennent une dimension nouvelle, presque abyssale, tant tout ce qu’il y a à l’intérieur doit bouillonner de douleur et de colère. C’est ainsi qu’il est devenu une ConCreature, aux deux C majuscules comme ceux des Centimètres Cubes qui servent à peser l’héroïne, une créature qui a sacrifié sa sensibilité pour survivre.

Si son style est un refuge où les sentiments et l’émotion sont suspendus, c’est pourtant une pulsion de vie qui pousse Boldy James à rapper, dealer, violenter. Et celle-ci s’entend dans la partition jouée par Sterling Toles, producteur et metteur en scène de Manger On McNichols.

L’essentiel des textes a été écrit entre 2007 et 2010, mais il a fallu dix années supplémentaires pour finir de composer l’album. A la faveur des allers et venus de musiciens locaux dans son studio, Sterling Toles a peaufiné, dynamisé, enluminé, les productions au fil des ans. Essentiellement jazz, avec quelques notes funk et ghettotech dans la seconde moitié, on ressent à chaque instant cette dimension collective. Elles sont mouvantes, organiques, parfois surprenantes en ne suivant pas la construction des productions rap classiques, et soufflent la vie sur McNichols comme dans l’œil de Boldy James. Violoncelle, sax, flute, synthé, trombone, batterie, guitare, chaque instrument est joué par un habitant de Detroit. Parfois voisin, parfois rencontré par hasard, parfois ancien collaborateur de légendes locales, voire légende en personne ou en devenir, tous représentent la ville et aident à matérialiser une partie de sa riche culture musicale. Il semble que Sterling Toles cherche à faire apparaître Detroit par touches lui aussi, et sous toutes ses facettes, à la manière des mix réseaux d’Electrifying Mojo, dont on entend d’ailleurs la voix d’hôte sur Welcome To 76.

Detroit, ou ce qu’elle symbolise, tient donc un rôle tout en ambivalences. Source de fierté, célébrée pour ses musiques et sa culture, autant que décor des luttes internes de Boldy James parce qu’elle maudit ses habitants ab ovo. Mais si les ConCreatures ne finissent pas pétrifiées, c’est aussi parce qu’elles ne sont pas dupes : « Probably could have been president, if I ain’t grow up a Detroit resident ».

illustration : Hector de la Vallée

nudy

Alors qu’il est absent d’Anyways, quelque chose rappelle Pi’erre Bourne dans le travail de Coupe, Marc B et 20 Rocket : les basses aux rebonds saturés, l’hybridité entre samples et rythmes programmés, les montages d’éléments dissonants et de compositions bizarres. Les espaces laissent un effet de vertige dans le son, comme l’impression de respirer des bouffées délirantes. Après tout, cet album fait suite à une mixtape intitulée «défoncé dans la cabine».

Cette atmosphère peut être drôle ou étrange, voire angoissante en fonction de l’état d’esprit avec lequel on entre dans le monde de Young Nudy. A sa façon de décrire des meurtres sanglants, de leurs préméditations à leur absence de justification, il semble que le but soit de provoquer des chocs visuels et moraux, à la manière de certaines comédies horrifiques. De ces univers, Nudy a parfaitement synthétisé le côté volontairement grotesque, au sens quasiment premier du terme, qui déforme et rend difforme la réalité pour que le comique et la terreur surgissent ensemble. Sa voix légèrement pitchée et les ad-libs qui ne laissent pas une seconde de répit entre les lignes recréent même le rythme et la patte burlesque de ces films.

L’étrangeté provient du décalage entre son timbre, le ton des productions et le contenu des textes. Ses fables ultra violentes et cyniques peuvent être racontées sur des nappes légères et lancinantes ou fredonnées sur les mélodies d’un dessin animé. L’écart entre ce qui est dit et ce que l’on entend donne un côté dérisoire au sordide, surtout quand Nudy laisse éclater son ricanement moqueur, qui rappelle autant un gremlin que le jeune Gucci Mane.

Ses thèmes sont ceux classiques du gangsta rap le plus immoral, mais son approche laisse la sensation d’être en lévitation au dessus de ses violences, ou dans une reconstitution cartoon. Quand au milieu de ce beau bazar, Nudy s’arrête pour raconter sa véritable histoire, on comprend que, comme chez son cousin 21 Savage, ses éclats de rire et son masque de Chucky permettent aussi d’échapper aux traumas. Mais son hilarité permanente, aussi proche de la démence sociopathe que de l’esprit comique, transforme tout en plaisanterie. Nudy se venge de la vie en dépassant amplement toutes mesures normales des choses, dans un excès de sexe, une profusion de drogues, une exagération de la violence, jusqu’à tomber ivre de rires.

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Comme quasi tous les versants de rap auxquels il a donné vie, Gucci Mane ne se renouvèle plus, écrit et rappe comme s’il était lui aussi inspiré de lui-même. Venant d’un artiste dont une partie de l’intérêt était son flair pour l’innovation et une écriture qui a permis de voir et de raconter autrement le gangsta rap, le résultat n’en est que plus plat.

La platitude, qui rend accessible et inoffensif, est souvent le symptôme d’une musique pensée comme une formule algorithmique. On ne peut pas accuser Gucci Mane, dont le succès a toujours échappé aux mesures, de courir après les chiffres, il se peut qu’il soit néanmoins une victime collatérale de ces tendances, en singeant les jeunes pour combler son manque d’inspiration. So Icy Summer laisse la même impression que ses récents albums, que Gucci utilise les autres comme une béquille, se laissant porter au point d’avoir parfois l’air d’être l’invité. Les morceaux avec Young Thug ont des relents marins de So Much Fun, Nasty avec Young Nudy ressemble à une scène coupée d’Anyways.

Il n’est plus la pile électrique des Gangsta Grillz, ni le tank pataud du Brick Squad, ni l’auteur surréaliste de Gucci Sosa. Mais quand il s’éloigne de la jeunesse d’Atlanta pour retourner aux vieilleries du Tennessee, Gucci Mane redevient presque tout ça à la fois. Les duos avec Foogiano et Pooh Shiesty, particulièrement avec ce dernier originaire de Memphis, sont de bons exemples. Le biographique et menaçant Still Remember rappelle ses grandes collaborations avec Drumma Boy, et est à la fois une de ses meilleures chansons depuis longtemps en même temps qu’une possible explication de texte : « I had to laugh, it kept me from crying, said it was all good, but I was lying. »

Avant d’être submergé par sa créature, Radric Davis a longtemps été un as du persona, Gucci Mane a été et pourrait être redevenu un masque comme ceux que portent les acteurs. Quand celui-ci tombe, pour laisser voir non pas l’ancien Gucci mais un vieux Gucci, qui assume et joue de son âge, l’intérêt revient. Sur Breasto, Who Is Him, ou le sample diabolique de Lifers, le ton et l’attitude s’enténèbrent alors que les souvenirs s’empilent, et les gamins ne sont plus des faire-valoir mais les victimes de ce temps retrouvé : « Come by myself, I don’t need nobody help, I blaze you up like I’m Seth, Shoot til it’s emptI shoot a 100 like Wilt, You keep a 30 like Steph. »

Il a récemment appelé les artistes noirs à entrer en grève, puis à fuir leurs labels négriers pour plus de libertés et d’indépendance. Quelques semaines plus tard, ces messages effacés, il s’excuse et sort cette compilation chez Atlantic Records. Ce revirement résume assez bien son parcours depuis 2016 : au final décevant, mais laissant entrevoir que Gucci Mane est encore un peu là, tapis derrière un sourire diamant et des abdominaux pare-balles. Quant à la raison de ce double-je, si elle n’est pas assez évidente, il l’a clairement exposée sous forme d’une question : «What’s your choice ? Red Pill, Old Gucci is back, or Blue Pill, New Gucci continue to live a better life ? »

illustrations : Pierre Thyss

KA2

Sur chacun de ses albums Ka met en scène les mêmes destinées. Des chroniques au moins aussi vieilles que cette musique qualifiée un jour de “Black CNN” parce qu’elle serait le témoignage d’une réalité incomprise et mal traitée par les chaînes d’information, témoignage de la vie des perdants du système, des hors la lois, des déviants, souvent celle d’afro-américains. En tant que vieille âme du rap, Ka raconte ces sempiternelles histoires mais ses mots ne sont ni ceux d’un bulletin d’information ni ceux d’un documentaire naturaliste.

Les règles qui régissent un quartier expliquées par le jeu d’échec ; un film sur la guerre froide et la propagande pour parler de conditionnement social ; la vie d’un enfant du ghetto racontée comme les tribulations d’un samouraï ; la mythologie greco-romaine pour peindre les tragédies observées depuis sa fenêtre. Utiliser ces thèmes et univers différents pour illustrer des trames liées entres elles a eu plusieurs effets. Le premier est de faire de Brownsville une sorte d’axis mundi, sur lequel le temps et l’espace n’ont pas de prise. Un lieu qui existe partout, en tout temps. Conséquence directe, le deuxième effet est de faire prisonniers ses personnages, en montrant que les perdants et les déviants affrontent sans cesse les mêmes adversaires, qu’ils ne se réincarnent pas en vainqueurs mais revivent éternellement leur malédiction, partout, à toutes les époques. Enfin, cette utilisation de la mythologie et de la fiction pour coller des bouts de réel entre eux, fait tomber ce quartier-monde dans le romanesque. Ka ne se projette jamais complètement ailleurs, ses textes se situant entièrement à Brownsville, mais ses références viennent brouiller la frontière entre les allégories et l’absolument concret. Encore sur Descendants of Cain, on ne sait pas qui de l’Ancien Testament ou de la biographie de Kaseem Rayan sert à éclairer l’autre. Les morales d’avant et d’ailleurs fonctionnent encore une fois ici, maintenant, et vice versa.

Le flow sans relief, le ton neutre, forcent à écouter le texte et l’écriture poétique, d’où viennent les souvenirs et donc les sentiments, les émotions, puis les principes et enseignements qui en découlent. On dit de ses albums qu’ils méritent plusieurs écoutes pour tout saisir, simplement parce que Ka ne fait pas que rapper comme un pasteur, il écrit aussi ses textes comme des sermons, plein de symboles attendant leur exégèse. Son récit de la violence et de la pauvreté en devient presque épique. Souvent revient l’idée que la fierté tempère les regrets de certains choix, de certaines fautes commises pour vivre. Son style entier est une manière de rendre ces vies captivantes et glorieuses, sans nier leur brutalité, d’insister sur la fierté de ceux qui traversent ces turbulences en restant debout.

Les apparitions de Roc Marciano sont une autre constante qui aide le monde de Ka à basculer dans la littérature. Il surgit sans être annoncé, pas même sur le tracklisting, comme une icône ou un demi-dieu, dont le style outrancier tranche avec l’austérité de son ami. Un personnage de roman noir ou de cinéma des années 1970, ceux dont la réussite contrarie les Cain du quartier. Une fois n’est pas coutume, Roc Marci tombe le costume de pimp sur Sins of the Fathers pour se joindre entièrement au sujet central du disque : plaider non coupable des fautes de ses prédécesseurs, et déconstruire l’engrenage qui mène aux crimes.

Pour la première fois depuis quatre ans, Ka s’est chargé de la majorité des productions. Toujours sans boite à rythme, pour leur préférer des boucles nues qui vont et viennent, créant la tension d’une vague qui ne se brise jamais. L’absence de rythmiques renforce le ton sourd, nocturne, l’impression de silence de cathédrale déjà donné par la voix. L’ensemble crée une atmosphère qui accompagne les images comme une bande son de cinéma, nourrissant les textes et l’imagination sans les parasiter. Les cordes qui font les cent pas sur Unto the Dust ou la voix de nymphe sifflante de My Brother Keeper renvoient tout de suite à Yen Lo, Orpheus et à leurs beatmakers respectifs. Mais même pour ses propres beats, Ka semble avoir appris de ces collaborations avec Preservation et Animoss, et s’inspire de leurs choix de samples comme de leurs manières d’en tirer cette sève à la fois stressante et homérique.

I Love (Mimi, Moms, Kev) semble trancher avec le reste. Sur le Musical Massage de Leon Ware, Ka écrit chaque couplet pour une personne différente, s’élève un temps hors de Brownsville pour égoïstement parler de lui à travers des êtres chers. Mais dans le deuxième couplet, dédié à sa mère décédée, une clé relie cette conclusion à l’ensemble : “From viewin’ what you went through, I learned grace under fire. Sayin’ you proud of me, the sweetest words ever. Purest soul I know moms, you deserve better. Whatever aliments you nursed me back to health. Defend me even when the enemy’s in fact myself.” Déshabillé de la fiction et des écritures saintes, les textes de Ka tournent encore autour des mêmes thèmes. Et en écoutant l’un de ses plus beaux couplets on se demande ce qui est le plus bouleversant : que derrière chacun de ses personnages depuis 12 ans, se cachaient en réalité lui et sa mère, ou qu’encore une fois, l’amour et la fierté permettent de tout surmonter, y compris la pire des douleurs.

mozzy

Mozzy aussi traverse un deuil, celui de sa grand-mère, évoqué simplement à travers une note vocale qu’il se refuse à effacer de son téléphone. Quand Ka utilise un couplet entier, il ne faut qu’une phrase à Mozzy pour lui dire les mêmes choses : le manque, mais le soulagement de savoir qu’elle a été fière. Ce qu’il n’a pas en densité d’écriture, Mozzy le compense par un charisme magnétique et une maîtrise de tout ce qui rend la langue efficace, vivante et dynamique. Son sens du détail qui pique fait défiler des bandes annonces en quelques lignes. Ses détournements des niveaux de langage et de la fonction des mots donnent des tournures inattendues à ses phrases. Comme tout rappeur nord-californien qui se respecte, ses inventions de figures de style et de vocabulaire donnent l’impression d’entendre, et de décrypter, des messages codés. Surtout, il sait faire tout ça en restant simple et accessible.

Pour Mozzy, le centre du monde s’appelle Oak Park, et pour lui aussi il symbolise les lieux similaires. Pendant longtemps, sa musique était d’abord tournée vers les récits meurtriers, entrecoupés de confessions sur les traumatismes qui en découlent, et Mozzy rassemblait par sa capacité à résister aux coups de poing que cette vie lui réserve. C’est lui, ses épreuves, ses contradictions, qui inspiraient du courage. Après ses premières mixtapes, on attendait un album qui graverait dans le marbre toute cette adrénaline. A la place, sans forcément le remarquer, nous avons assisté à une lente transition.

Désormais, ce que l’on retient de ses visites d’Oak Park est sa manière de donner de la substance aux habitants et de ne pas oublier l’humanité des plus déclassés. Sur Sleep Walkin il s’adressait aux prostituées avec des mots en général réservés aux infirmières ou aux mamans, aujourd’hui ce sont les SDF de Skid Row, traités comme des héros de guerre, qu’il célèbre jusque sur la pochette de Beyond Bulletproof. Mozzy s’est reconverti en champion du peuple, dévoué et bienveillant, dont une partie du fatalisme s’est mué en optimisme. Et ce n’est plus seulement dans la sienne mais aussi dans leur propre vie qu’il invite les autres à trouver fierté et courage. Le gangster tel que décrit par Mozzy est donc une figure altruiste, impliqué dans sa famille et sa communauté. C’est aussi une vision de l’art et du succès tournée vers le réel, possiblement inspirée par sa rencontre avec Nipsey Hussle à qui il rend d’ailleurs un hommage sur The Homies Wanna Know. Encore une perte allégée par le souvenir des liens d’amitié et de respect qui avaient été tissés.

Pour être un homme du peuple il vaut mieux savoir être simple et accessible, la musique de Mozzy s’est donc en partie adoucie, notamment grâce aux guitares sèches, à la légèreté des pianos et aux reprises de mélodies bien connues du R&B, comme Let Me Love You ou Can’t Let You Go. Pourtant la violence sous toutes ses formes est loin d’avoir disparue, elle fait partie du quotidien de ceux à qui il s’adresse en premier, reste un thème central de son rap et en inspire les sonorités. Mais même sur les basses de la mob music la plus impétueuse, Mozzy trouve toujours un mot réconfortant pour ces gens à part, ceux que l’on croise aussi sur les disques de Ka.

illustrations : Hector de la Vallée