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Avant d’atterrir sur le plateau du Saturday Night Live, c’est dans un club de stand-up de la côte Est américaine que s’est faite la première apparition du « Foreign Man ». On est alors au début des années 70, et le public présent, venu voir des comiques plus ou moins bons passer à la chaine sur scène, n’a alors jamais entendu parler de celui qu’ils allaient plus tard appeler Latka Gravas.
Avec son accent à couper au couteau, l’homme se présente et annonce son numéro, ce qui, à une traduction prêt, donne ceci : « Boujour. Jé viens dé l’île de Caspiar. Jé voudré imiter Mossieur Jimmy Carter, lé président dé Zéta-Zouni ». L’étranger commence son numéro, et le public est stupéfait devant tant de nullité. S’il n’avait pas annoncé avant qui il allait imiter, personne n’aurait pu reconnaître le président Carter tant la voix et l’accent du comique paraissent inchangés.
Face à la nullité de ce spectacle, le public aimerait rire, mais le pauvre homme sur scène est tellement mauvais et paraît tellement gêné que c’est un malaise parfaitement palpable qui s’installe dans l’assistance.
Apparaissant déboussolé, peut-être même au bord des larmes, le comique raté décide néanmoins de poursuivre son numéro : « Et maintenon, jé voudré vou imiter le Elvis Presley ».
Rien qu’à l’annonce, et d’imaginer ce qu’allait donner un blédard à l’accent turquisant tentant d’imiter le King, le public ne pu cette fois s’empêcher d’exploser de rire. Pas démonté pour autant, l’étranger tourna le dos au public, passa un coup de peigne dans ses cheveux, retira sa veste de costume et attrapa la guitare posée à ses pieds.

Après s’être retourné, le « Foreign Man » entama une imitation absolument parfaite d’Elvis Presley, tellement ressemblante qu’à posteriori le King en personne avouera être bluffé. Le public venait de comprendre qu’il avait été trompé depuis le début par un homme plus malin qu’eux qui jouait l’abruti.

Cet homme s’appelait Andy Kaufman, et deviendra une des plus grandes stars de la comédie aux Etats-Unis. Performer jusqu’au-boutiste, Kaufman aura fait de sa vie entière un gigantesque sketch, n’étant jamais apparu en public « au naturel », mais toujours campant un des personnages de son répertoire. Son jeu fut poussé tellement loin, que le jour où il annonça être atteint du cancer personne ne le cru. On raconte même qu’à l’hôpital, c’est jusqu’à certains membres de sa famille qui remettront en cause sa maladie, pensant que certains médecins étaient des acteurs. Il semblerait qu’Andy Kaufman est aujourd’hui mort de ce cancer, mais il y a encore des fans pour croire, ou espérer, qu’il s’agisse bien de sa meilleure blague.

Précisons avant d’aller plus loin, que chaque détail de l’incroyable histoire qui suit, a été rapporté par RiFF RaFF lui même.

FASHiON GAME JOHN CLAYTON III

Jody Christian est né à Houston au Texas. Ses premières années, il les passe a trainer dans les quartiers du nord de la ville, marqués par une mixité ethnique rare aux Etats-Unis.
Sans doute trop jeune pour comprendre, le petit Jody ne sait pas ce que fait sa mère à cette époque pour occuper ses journées et ramener de l’argent à la maison. Quant à son père, vétéran d’une guerre du Viêt-Nam qui lui a laissé de nombreux troubles post-traumatiques, il brasse du papier en étant basketteur de rue.
Du coup, dès son plus jeune âge, Jody est forcé de trainer dans la rue avec ses très nombreux frères et sœurs, enfermés dehors par des parents qui sont absents du domicile toute la journée. Pour s’occuper, cette ribambelle de gamins s’invente alors un univers parallèle où ils vivront pleins d’aventures. « Nous étions comme une armée de petits G.I. Joe » explique Jody.

À l’école, Jody n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un bon élève. En fait, il n’en a même à rien foutre de l’école, et s’il se rend là bas de ses 6 à 16 ans, c’est uniquement pour draguer et montrer à tout le monde ses nouveaux habits.
Depuis toujours Jody possède un style unique qu’il entretient avec minutie, fait de linges fluorescents, basket multicolores et autres lunettes de ski. Chaque jour passé est pour lui un immense show de mode et une occasion d’en mettre plein les yeux à autrui. Mais un jour, Jody poussera ce style-jeu tellement loin qu’il ne pourra pas empêcher son renvoi définitif : n’ayant pas trouvé de t-shirt parfaitement assorti à sa nouvelle paire de Reebok Pump, il estima ne pas avoir d’autre choix que de se rendre à l’école… torse nu.

 

Viré, Jody doit trouver de quoi s’occuper. Sans diplôme mais bien décidé à amasser rapidement du papier, il se lance donc dans les affaires très chaudes d’acidulé et de riz. À ce moment il ne se doute probablement pas encore qu’il deviendra bientôt la référence quand il s’agira d’apporter le riz.

Un matin, alors qu’il s’apprête à apporter sa céréale de prédilection, Jody reçoit un coup de téléphone inattendu ; c’était son ancien directeur d’école. Ce dernier lui expliqua qu’un concours de mode allait être organisé au lycée, mais qu’il avait peur de ne pas faire le poids… Alors humblement, il demanda à Jody d’oublier les rancœurs passées, et de revenir au lycée pour apprendre aux autres élèves à s’habiller.
Jody accepta, et évidemment permit à son lycée de remporter le concours. Néanmoins, et malgré l’insistance du directeur, il ne voudra pas réintégrer sa place en cours. Les dollars de la récompense du concours en poche, c’est maintenant une autre vie qu’entend mener Jody.

LiFE GAME KURT SCHNEiDER

Avec ces quelques deniers, Jody pu investir encore d’avantage dans le marché fleurissant du riz, s’acheta quelques chaines en diamants et s’offrit son premier tatouage : « The City Of H-Town » sur l’épaule droite.

C’est alors un bien étrange phénomène dont Jody Christian va être victime. Pendant plusieurs jours, il se réveillera chaque matin avec un nouveau tatouage sur le corps, alors même qu’il ne s’est, évidemment, pas rendu chez le tatoueur.
Une carte du Texas sur l’estomac, un Alien sur l’avant bras, un Bart Simpson sur le cœur, et toute une tripotée d’autres qui apparaitront quotidiennement comme par magie. Ce n’est qu’une fois le torse recouvert d’une bonne dizaines de tattoos qu’il finira par comprendre : à la manière d’un Tyler Durden du Fight Club, Jody abrite deux personnalités dans son corps, Jody Christian et Jody Highroller. Ce dernier est à peu de choses prêt la même personne que l’original, mais tout en étant une autre personne et en vivant une autre vie. Les deux Jody auront au départ un peu de mal à gérer cette double vie dans un même corps, en parti parce qu’ils ont le même prénom. C’est pourquoi, afin d’aider leur cohabitation, le Jody originel facilitera ce merdier en adoptant le pseudonyme de RiFF RaFF.

 

Des années durant, RiFF RaFF et Jody Highroller vivront une vie paisible, faite de femmes, de riz et de succès. Pendant que RiFF RaFF remportait sept fois d’affilée le titre de meilleur joueur de la National Baller’s Association, Jody Highroller se vengeait de ne pas avoir été diplômé en s’achetant son propre lycée.

C’est en 2004 que la vie de RiFF RaFF va prendre un tournant décisif. Par hasard, il va tomber sur la chaine de télévision B.E.T. et être littéralement absorbé par ce qu’il va y découvrir : le rap. RiFF RaFF va alors rester une année entière devant sa TV, regardant la chaine non stop jusqu’à avoir le déclic : « Moi aussi je vais rapper. »
Alors, au terme de cette année à végéter devant son écran, RiFF RaFF ira se faire tatouer le logo de B.E.T sur le corps, symbole de son but ultime ; devenir un de ces rappeurs qui passent en boucle à la télé.
L’histoire est sensiblement la même en ce qui concerne son tatouage « World Star Hip-Hop ». Quant à son tatouage « MTV », il célèbre un événement tout particulier…

FROM G TO RAP

Si RiFF RaFF s’est fait faire son tatouage MTV, c’est parce qu’il s’apprête à participer à une émission de télé-réalité. Nous sommes en 2009, RiFF RaFF vient d’avoir 26 ans, et son style unique lui a permis de se faire remarquer par des casteurs de l’émission « From G’s To Gent », un show dont le principe est de transformer des petits gangsters en parfait gentlemen.
Ce show permet alors à RiFF RaFF d’apparaître sur la chaine la plus regardée au monde et de devenir immédiatement une star, malgré son élimination du jeu dès le deuxième épisode. Parce qu’on ne peut pas faire changer RiFF RaFF.
Après cette élimination, RiFF RaFF cherchera néanmoins à capitaliser au mieux son passage télé en ajoutant « MTV’s » à son pseudo et en redoublant la cadence de ses freestyles.

C’est alors le début d’une série de mixtapes de freestyles à sa gloire, distribuées exclusivement via iTunes. Une demi-douzaine de tapes et vidéos plus tard, MTV RiFF RaFF devient RiFF RaFF SODMG, après avoir reçu le soutien de Soulja Boy. Passons très vite sur l’année qui a suivi – pour mieux y revenir plus loin – et nous voilà en 2012, RiFF RaFF a toujours 26 ans et vient de signer un contrat de 3 millions de dollars pour 8 albums chez Mad Decent.

Cette histoire, telle que vous venez de la lire, c’est celle que RiFF RaFF veut bien raconter, celle qu’il a racontée au fil d’interviews à Fader, Complex, Gawker ou L.A. Weekly, magazines qui ont cherché à décrypter ce rappeur viral, qui ne semble exister qu’à travers des vidéos youtube et camper un personnage. RiFF RaFF est-il est une farce ? Se joue-t-il de nous ? Est-il le RAP GAME ANDY KAUFMAN ? La vérité est un peu plus compliquée que ça.

RAP GAME ANTOiNE LAVOiSiER

Le véritable nom de RiFF RaFF est Horst Simco. Né le 29 janvier 1982, il a donc en réalité 30 ans. C’est bien à Houston qu’il est né et a vécu les vingt premières années de sa vie, avant de partir vivre à Duluth dans le Minnesota, où il est allé à la fac. Qu’est-ce qu’Horst Simco est allé y étudier ? Parmi les formations dispensées là bas, il a peut-être suivi les cours de préparateur en pharmacie, expliquant l’amour du « Freestyle Scientist » pour les tubes à essaie et autres éprouvettes. A moins qu’il n’ait suivi la formation en art… Quand on sait qu’après avoir arrêté la fac, Horst se faisait de l’argent en peignant sur des voitures et en concevant logos et identités visuelles pour des sociétés, la piste de la formation en art paraît plausible ; d’autant plus que cela collerait avec son goût pour la performance et la comédie.

Alors RiFF RaFF ne pourrait être qu’une immense performance réalisée par Horst Simco ?

 

La réalité est un peu plus complexe en vérité. Oui, RiFF RaFF/Simco aime jouer la comédie, mais à en juger par les quelques apparitions vidéo de son petit frère, le snowboarder Viktor Simco, il apparaît que la mongolerie contrôlée est un trait typique de la famille. Et puis, reprocher, ou souligner, que RiFF RaFF est un « personnage » reviendrait à faire pareil pour Gunplay/Richard Morales par exemple, ou n’importe quel autre rappeur intenable.
La seule différence est peut être qu’il y a effectivement un décalage entre Horst Simco et RiFF RaFF, que ce ne sont pas exactement les même personnes. Mais plus qu’une performance, un rôle ou personnage, il faut voir en RiFF RaFF ce qu’a toujours adoré et voulu être Horst Simco : la mutation d’un fan de rap en un flambant freestyler Texan.

Véritable fils du Texas, né et élevé dans le nord de Houston, Horst Simco a écouté puis étudié la science des freestylers de son Etat, de Fat Pat à Lil Flip, jusqu’à absorber tout le répertoire de la Screwed Up Click et de Swisha House.
Toutes ces influences sont criantes dans les premiers freestyles de RiFF RaFF, diffusés pour la plupart juste après « From G’s To Gent ».
Les deux influences les plus marquantes étant le rappeur de Dallas Big Tuck, membre des Dirty South Rydaz, et Lil Ron de la Swisha House :

Du timbre de la voix jusqu’à sa façon de jouer avec la durée d’une syllabe pour tenir la mesure, en passant par le modèle des rimes, énormément d’éléments dans le rap de RiFF RaFF rappellent Big Tuck. Il suffit d’écouter le freestyle ci-dessus, suivi de « Larry Bird », pour que le parallèle apparaisse on ne peut plus évidemment.

La même remarque peut être faite avec Lil Ron (deuxième rappeur sur le freestyle ci-dessus) dont les intonations et prononciations rappellent aussi fortement le RiCE EMPEROR.

RAP GAME 2.0 ALLEGORY

Penser que RiFF RaFF est un « sketch » c’est être à mille lieues de la réalité, et quiconque continue à défendre cette idée aujourd’hui ne mérite que d’être giflé par l’Empereur avec un immense sac de riz. Si il est compréhensible d’avoir été plus que perplexe devant les premières apparitions du bonhomme, étant donné son style très particulier et son univers surréaliste basculant sans arrêt dans le cartoon, ça l’est de moins en moins étant donné l’évolution de sa carrière.
Aussi, il est difficile d’entrer dans sa discographie, puisqu’à l’heure de datpiff et livemixtape, RiFF RaFF s’entête à ne sortir ses projets que sur iTunes. Cela s’accompagne en plus d’un contrôle ultra serré des leaks, afin d’éviter le maximum de distributions gratuites (essayez de faire passer une de ses mixtapes gratuitement, elle sera effacée dans la semaine, j’en ai fait moi-même l’expérience plusieurs fois). Mais depuis la sortie de l’album Sour & Gunpowder, RiFF RaFF possède enfin un projet référence, une « porte d’entrée ».

Sorti en fin d’année dernière, Sour & Gunpowder est un parfait (à l’exception de l’ignoble premier titre) showcase de ce que sait faire RiFF RaFF, sur lequel il a enfin réussi à se détacher des rappeurs dont il s’inspirait jusque là pour apporter quelque chose qui lui appartient entièrement avec des freestyles alourdis à la codéine, et respirant infiniment fois plus le Texas que beaucoup de disques récents unanimement salués, mais ne faisant qu’imiter ce genre de rap et ses codes.

RiFF RaFF a en plus parfaitement assimilé le meilleur moyen d’attirer l’attention aujourd’hui. Ce style et ses vidéos, ce n’est que ça, la maitrise de l’outil internet comme moyen de promotion, qui en plus, couplée à ce contrôle drastique des fuites de mp3, force les internautes à dépenser 0,99$ par titre sur iTunes.

Alors oui, RiFF RaFF n’existe que sur internet, mais aujourd’hui ce n’est plus forcément un mal. Internet n’est plus l’antichambre du futur, l’endroit où les artistes attendent d’être repérés. Internet est simplement devenu le cadre de carrières effectuées en parallèle de l’industrie classique, et RiFF RaFF ne fait que s’inscrire dans ce cadre. C’est sans doute parfaitement conscient de cela qu’il multiplie les collaborations avec des artistes qui partagent avec lui cette forme virale d’existence : Lil B, Lil Debbie, Andy Milonakis, Chief Keef (pré-Kanye) ou prochainement Kitty Pryde.

 

Donc non, RiFF RaFF n’est pas le RAP GAME ANDY KAUFMAN, parce que même si la comédie et son personnage font partie intégrante de son « œuvre », il n’est pas en train de jouer au rappeur comme ont pu le faire Michael Youn ou Sacha Baron Cohen. Il ne révolutionne rien et n’aura probablement pas de reportage honorifique dans 20 ans sur VH1, mais RiFF RaFF est un vrai, bon, rappeur.

Aujourd’hui RiFF RaFF explore d’autres terrains, surtout depuis son rapprochement avec l’écurie Mad Decent, en rappant sur des productions de Sinden ou de l’ignoble Diplo. En espérant qu’avec le succès de sa récente vidéo pour le titre « Time », un morceau qui datait en réalité de 2010, Jody Highroller se remette aussi à la chanson country.

Et en attendant ses projets à venir, dont un album entièrement produit par Dame Grease, et un autre par Harry Fraud prévu pour le 4 juillet, je profite de ce temps de parole qui m’est offert pour vous annoncer officiellement l’arrivée prochaine de la réédition du CLASSiC Sour & Gunpowder, entièrement re-vissée par la GORiLLE MUSiC COMPAGNY de SilverBack_Gz aka L’Afrocalypse.

HEY RiFF RaFF WHERE’ YOU FROM ? – HOLLYWOOD, BRAZiL, BiTCH !

Crédits :

Texte : PureBakingSoda
Illustrations : Pierre Thyss aka Young Thuss

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Pour arriver sur la surface de Pluton, en partant du cimetière d’où débute son histoire, Future a dû parcourir plus de 6 milliards de km.
Le voyage fut long, dura dix ans, mais lui permit de produire l’album dont il rêvait ; un album qui prend le temps de revenir sur chacune des facettes du personnage qu’il s’est sculpté durant cette décennie.
Parce que si pour beaucoup le rappeur Future n’a émergé que dans les derniers mois, tout au plus une paire d’années, c’est en réalité depuis le début des années 2000 qu’il opère secrètement en orbite autour d’Atlanta…

…et c’est presque un demi-siècle qu’il faut remonter en arrière pour retrouver trace des plus vieilles influences de Pluto.

Le père spirituel

Nous sommes à la fin des années 60, Lyndon Johnson, impopulaire à cause de la guerre du Viet Nam, renonce à se présenter à sa propre réélection. Pendant ce temps, les opposants ordinaires à cette guerre préfèrent célébrer des rockeurs et guitar heros comme Janis Joplin, Jefferson Airplane ou Carlos Santana.
Couvrant le concert de l’un d’entre eux, un photographe de Rolling Stone Magazine s’infiltre backstage pour une interview ; « Bonjour, je suis un journaliste de Rolling Stone » dit-il, ce à quoi le grand noir ébouriffé face à lui répondit :

« Je suis Jimi Hendrix, je viens de Mars. »

La récente conquête de l’espace et les premiers pas d’un homme sur la lune sont à cette époque une grande source d’inspiration pour le rock psychédélique, et vont même jusqu’à faire naître des sous genres musicaux comme le space-funk ou le space-jazz.
L’espace est alors un moyen de décrire les voyages d’un esprit imbibé de drogues : LSD, Marijuana, Héroïne, sont pour ces artistes des vaisseaux pour la Lune, Mars et Pluton.

Parmi le demi-millier d’astronautes qui a émergé à cette époque, Jimi Hendrix est celui qui va nous intéresser, le guitar hero étant un des pionniers des métaphores cosmiques ;

« I’m in orbit around the third planet from the star called the sun. Over. » – Third Stone from the Sun

« I have lived here before the days of ice. And of course this is why I’m so concerned. And I come back to find the stars misplaced. » – Up from the Skies

Que ce soit par ses textes, l’usage de la pédale wah-wah, les distorsions de la fuzzbox ou les effets d’échos, la musique d’Hendrix nous renvoyait souvent aux odyssées spatiales que seuls de grands accros aux modifications de l’esprit ont pu vivre.

Cet Hendrix cosmonaute est, presque 45 ans après, une des influences principales des thèmes de Pluto. Et comme nous allons le voir, l’obsession de Future pour le guitariste ne date pas d’avant-hier.

Famille étendue

Nayvadius Willburn est un petit dealer de crack à Atlanta. Il raconte que c’est sa mère qui lui a tout appris et l’a poussé dans cette voie, mais personne ne sait si c’est la vérité. Ce qui est sûr, c’est que s’il n’est pas au coin de la rue à vendre de la dope, Nayvadius essaie de faire de la musique dans le garage de ses grands-parents, chez qui il vit. Son ambition n’est pas de devenir le kingpin d’Atlanta ; son rêve, c’est d’être une rock star.
Seulement, à Atlanta, ce n’est plus du rock qu’il faut faire pour être une star, mais du rap.

Voyant que son petit-fils savait rapper et chanter, y voyant surtout un moyen de le faire sortir de la rue, le grand-père se fai impresario d’un jour.
Celui-ci sait vers qui se tourner, un autre de ses petits fils ayant réussi dans la musique. La famille Willburn-Wade est un peu éclatée dans Atlanta et sa banlieue, mais la vie est faite d’évènements qui amènent régulièrement les familles les plus atomisées à se retrouver : les naissances, les mariages ou … les enterrements.

Nayvadius n’a que 14 ans le jour de cet enterrement. Toute la famille est présente, y compris son cousin, Rico Wade. Membre d’Organized Noize, Rico est un des cerveaux de la Dungeon Family, équipe la plus secrète et prolifique d’Atlanta, maison mère d’Outkast et Goodie Mob.
Le grand-père présente Nayvadius à Rico ; « C’est ton cousin, pour l’instant il est dans la rue, mais il chante, vois ce que tu peux faire avec lui. »

A l’époque, Rico Wade travaille avec Bubba Sparxxx sur le titre Ugly, peaufine avec André le troisième album d’Outkast et n’a que peu de temps à accorder à son cousin, mais trouve quand même le moyen de lui faire enregistrer un titre.

Pendant les trois ans qui vont suivre, Nayvadius n’a pas ou peu de contact avec cette partie de sa famille. Il n’ose pas retourner vers Rico, se disant qu’étant maintenant célèbre, il doit avoir des cars entiers de cousins plus ou moins éloignés qui réapparaissent pour profiter de son succès.

Mais la providence offre à Nayvadius une nouvelle chance de travailler avec son cousin, un nouvel enterrement. Cette fois, il prend son courage à deux mains pour aborder Rico Wade de lui même. « Tu te rappelles de moi ? » ; « Bien sur, je joue souvent la track que tu avais enregistrée à l’époque, je la fais écouter à tout le monde, il faut que tu reviennes en studio avec nous. »
Le lendemain matin Nayv’ est dans le donjon pour enregistrer le titre « Trap Star », un titre déjà marqué par la double influence trap et rock puisqu’il y est question de la cuisson de la cocaïne sur des riffs de guitares saturées…

Après l’enregistrement de ce titre, Nayvadius devient « Meathead ». Désormais officiellement membre de la Dungeon Family, il ne quitta pas leur studio une seule minute pendant plusieurs mois.

Famille recomposée

En studio, en plus de l’équipe d’Organized Noize, c’est un véritable All Star Game ATLien que Meathead côtoie : Big Boi, Andre3000, Big Rube, Big Gip, Cee-Lo, Khujo, Killer Mike, et beaucoup d’autres.
Il lui faut maintenant être connu du public. N’ayant pas le temps de s’occuper de tout le monde individuellement, Rico entoure Meathead de quatre autres nouvelles recrues, avec qui il forme Da Connect. Dans la foulée, en 2003, le groupe sort Dungeon Family 2nd Generation. Entièrement produit par Organized Noize, cet album devient la première apparition sur disque de Nayvadius Willburn.

Cet album est surtout l’occasion pour Nayv’/Meathead d’établir quelques connexions, notamment avec le rappeur Ludacris. Ce dernier sort la même année son quatrième album, The Red Light District, pour lequel Nayvadius va écrire un refrain.

Entre ce refrain et celui de Racks qui le rendra riche, Meathead devient Future, renommé ainsi par ses frères de la Dungeon Family qui voient en lui « le futur du rap ». Mais l’écriture de refrains n’occupant pas la moitié de son temps, et surtout ne remplissant pas tout de suite ses poches de liasses, Future est obligé d’écrire et de retourner vendre de la drogue à Kirkwood, en même putain de temps.
C’est en naviguant dans le business de la drogue qu’il fait la connaissance de Rocko, personnage un tiers rappeur, un tiers entrepreneur, un tiers dealer, et fondateur du label A1 Recordings sur lequel il signera Future quelques années plus tard, et via qui ce dernier rencontrera toute la clique des trappeurs sauvages d’Atlanta, en particulier Gucci Mane.

Ayant bien pris soin de ne pas se jeter dans la fosse aux lions tout de suite, et de bien préparer son arrivée dans le jeu en se construisant son univers et son identité, Future ne réapparaitra sur le devant de la scène que dix ans après ses véritables débuts.

La suite tout le monde la connaît. Future entame un de ces marathons de mixtapes comme seuls les trappeurs d’Atlanta savent nous les faire : 1000, Kno Mercy, Dirty Sprite, True Story, Free Bricks, Streetz Calling puis Astronaut Status. Et avec des titres comme Magic, Ain’t No Way Around It, Same Damn Time ou Tony Montana, Future parvient à devenir un rappeur à succès, dans un style à part capable de plaire à un public diversifié tant il ratisse large du côté des artistes et styles qui l’ont marqués.

Le fils prodigue

Depuis un peu plus de 6 mois, il est difficile de passer à côté de Future sur les radios américaines, et aujourd’hui tout le monde est capable de reconnaître en quelques secondes sa voix tremblante, son utilisation unique de l’autotune ou ses prononciations et articulations si particulières qui peuvent parfois le faire passer pour un Jamaïcain de l’espace.
Sur ses sept mixtapes, Future a réussi à convaincre aussi bien dans la trap (Tony Montana, Birds Take a Bath), le RnB de club (Ain’t No Way Around It) que dans les balades rap spatiales et EMOTEAM (Space Cadet, Deeper Than The Ocean).
Après un tel marathon, il lui faut maintenant franchir l’étape difficile du premier album studio.

C’est dès 2010 que Future travaille sur ce premier disque, et depuis le début il souhaite faire un album contenant dans son ADN le spectre de toutes ses influences.
Les premiers brainstormings sur l’orientation du disque, c’est avec Mike Will qu’il les a. C’est à Gucci Mane que les deux doivent leur rencontre, et depuis ils ont déjà eu l’occasion de travailler ensemble à plusieurs reprises.
Future explique alors à Mike Will qu’il souhaite que son disque fasse de lui une rock star. Pour ça, s’il est prêt à y intégrer plus de chant que de rap, il n’est évidemment pas pour abandonner les délires spatiaux qu’il a développé de plus en plus au fil des mixtapes. Parce que comme le guitariste qu’il idolâtre, Future veut donner l’impression qu’il vient de l’espace. Avec ce parti pris comme base, le projet est lancé sous le nom de code « FUTURE HENDRIX ».

Le premier morceau enregistré est « Truth Gonna Hurt You », sur lequel le chant de Future est habillé de guitares saturées qui semblent provenir de la galaxie Jimi.
C’est autour de cette pierre angulaire que l’album va se développer, les titres suivants à être enregistrés étant « Turn On The Light » et « Neva End ». Ces trois balades produites par Mike Will, très proches dans leurs sonorités, formeront la colonne vertébrale de l’album. Et si les guitares, que l’on retrouve sur Permanent Scar de Jon Boi ou Deeper Than The Ocean de Will-A-Fool (absent de l’album final), sont absentes de T.O.T.L. et Neva End, Mike Will s’inspire néanmoins de sonorités rocks pour ces titres. En effet, à l’époque de l’enregistrement, Future écoute en boucle The Fool, dernier album du groupe de rock alternatif Warpaint, et invite ses producteurs à en faire de même avant de produire pour lui.

Avec son mélange de chant et de rap, sa cohérence sonore marquée par le rythme de balades, sa position extra-terrestre et évidemment en invitant Big Rube pour faire le narrateur de son histoire, Future inscrit aussi son album dans la continuité des disques de la Dungeon Family. Alors comment ne pas penser à ATLiens d’Outkast, tant ces albums ont des points communs, de leur façon de nous plonger dans un autre univers par leurs productions douces, « spatiales », qui utilisent violons, pianos et guitares, jusque dans leur volonté affichée d’être des OVNIS, ou au moins albums difficilement identifiables.

Désormais l’album s’appelle Pluto et d’avantage de rap que prévu y a été intégré. On y retrouve notamment les deux hymnes du guêpier, Tony Montana et Same Damn Time, qui ne dénotent pas tant du reste en donnant l’impression que Future trappe comme un extra-terrestre, grâce à des textes à la limite du surréaliste (dans l’un Future revit le film Scarface en accéléré, dans l’autre il est sur Pluton et Mars au même moment, pour y faire deux choses en même temps).
Le défaut du disque, c’est du côté de son entame qu’il faut aller le chercher ; et si le titre Parachute avec R. Kelly reste correct même sans tenir toutes ses promesses, les trois titres suivants gâchent légèrement l’unité de Pluto.

En tant qu’album, on ne peut avoir qu’un sentiment mitigé sur ce Pluto, tant on y sent le potentiel d’un disque qui aurait pu/dû être infiniment meilleur, un peu gâché par un surplus de chansons. Mais avec en son coeur une dizaine de titres qui vous enverront dans l’espace sans vous demander la permission, Pluto reste un très bon album de rap, grâce à ses productions qui émulent parfaitement l’immensité spatiale et au talent de Future pour le songwriting et les flows expérimentaux.
Maintenant, espérons que « Future Hendrix » voit quand même le jour, tant ce sont les titres issus de ce projet qui offrent à Pluto ses meilleurs moments.

Crédits :

Texte : PureBakingSoda
Illustrations : Immy Soraya

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« He is the realest »

Pendant que les commentateurs sportifs prophétisent l’avènement des « nouveaux » Zidane ou Michael Jordan, que la pop music attend le successeur de Michael Jackson, le rap lui, est à la recherche du fils spirituel de Tupac Shakur.
Ce que ces figures ont en commun, c’est d’abord d’avoir transcendé leur discipline, de l’avoir amenée dans des sphères où il ont pu toucher et marquer une audience élargie ; jusqu’à devenir des légendes célébrées aussi bien par un public de néophytes que d’initiés.

A vrai dire, voir Tupac associé à ces autres noms peut faire tiquer certains. Non pas que son statut légendaire puisse être remis en question, mais parce que ce qu’il véhicule ne touche pas l’Humanité aussi largement qu’une reprise de volée en finale de la Ligue des Champions.
Cela tient avant tout au public premier du rap, infiniment plus marqué sociologiquement que celui du football. Alors oui, et a fortiori dans un pays où l’on est renvoyé à son appartenance ethnique jusque sur sa carte d’identité, Tupac Shakur s’adressait avant tout – voir uniquement – aux noirs, aux « african-americans ».

Le statut atteint par ce rappeur dans la communauté noire américaine reste à ce jour sans commune mesure. Il n’est même pas question d’entrer dans une énumération de ce que Tupac a apporté au rap, simplement de souligner l’impact qu’il a eu sur une partie de cette population.
Que ce soit à travers ses textes ou par son comportement et ses déclarations, il a participé à raviver les flammes d’une forme gangster de la « Black Pride » américaine, chère aux Black Panthers dont ses parents étaient de fervents militants. Ajoutez à cela une insoumission totale à l’ordre établi et une allégeance sans faille à « la rue », synecdoque des ghettos noirs, et vous avez les éléments à la base de son rayonnement.

Puis, il y a ce qui lie ces ingrédients, le petit plus inexplicable qui fait basculer le commun des mortels dans la l’immortalité. « He is the realest », une expression qui perdrait de son sens avec une traduction. Celle-ci renvoie à sa manière de raconter son quotidien et celui de sa communauté, sans inhibition, sans jamais restreindre les sentiments exprimés dans ses chansons, que ce soit sa haine, sa peine ou sa fierté, si bien qu’il ne fasse aucun doute que ce qu’il dit soit vrai.

« The realest nigga since Tupac »

L’assassinat de Tupac en 1996 a laissé le rap sans véritable « Roi de la Rue », Jay-Z, Lil Wayne ou Eminem ayant joué sur un tout autre tableau. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont essayé d’occuper le trône laissé vacant par « Makaveli ».
Il a fallu attendre une petite dizaine d’années avant que ne se dessine la silhouette d’un sérieux prétendant à cette Royale succession.

Sa mère l’a appelé Torrence, mais à Bâton Rouge, capitale de l’état de Louisiane, tout le monde le connaît sous le nom de Lil Boosie.
Quand en 2006 sort Bad Azz, son premier album en major, Boosie a déjà les dent bien aiguisées par des années de mixtapes dans le circuit indépendant.
Six ans plus tôt, après qu’un cancer ait emporté son père, Boosie souhaite se mettre à rapper pour exorciser sa peine. Il n’est âgé que de 15 ans quand, pour enregistrer ses premiers couplets, il rejoint l’écurie de C-Loc, star locale à la tête d’un label. Boosie n’a alors comme modèle que le fantôme de Tupac, dont il étudie les albums comme une profane liturgie.

Dès ses débuts les parallèles sont évidents, l’attitude et les thèmes rappellent Tupac. Mais là où des cars entiers de prétendants ont échoué, Lil Boosie apparaît vite armé pour obtenir cet unanime soutien des ghettos noirs. L’inexplicable ?
En tout cas, six ans après ses débuts, Boosie devient le premier rappeur à pouvoir oser se comparer à Tupac sans se faire lapider pour blasphème.

Très vite, il est adoubé par des vétérans, comme le regretté Pimp C qui l’aide à monter Trill Ent. en 2002. Sur ce label, avec Webbie et d’autres rappeurs de sa Trill Fam, il s’impose comme la plus grosse star de sa région à coups de mixtapes souvent distribuées gratuitement, mais surtout grâce à ses nombreux concerts. Boosie est sur scène presque cinq jours sur sept pendant plusieurs années.

C’est avant tout localement qu’il commence à se forger une réputation, avec un rap typiquement Louisianais teinté de Bounce Music. Ce style dansant, aux rythmes hypersexualisés, est originaire de la Nouvelle Orléans où il animait notamment les carnavals de Mardi Gras avant d’être adapté au rap par des DJ comme Mannie Fresh.
Sur les disques de Boosie, cette Bounce Music a été retravaillée par les descendants de Mannie Fresh. Mouse On The Track ou B.J. en on fait le décor de ses histoires marquées de matérialisme, de conscience sociale, de violences et d’émotions, qu’il conte avec sa voix rocailleuse, nasillarde, reconnaissable entre mille.
Son petit plus c’est d’arriver, à travers la violence et les sentiments exacerbés de  sa musique, à se faire le réceptacle cathartique de la haine, des frustrations, humiliations, et autres injustices subies par sa communauté pour les transformer en carburant à fierté. Non pas qu’il incite ses auditeurs à être fiers d’avoir le cul dans la fange, mais il leur démontre qu’il existe des raisons d’être fiers de qui et de où ils sont, et en un sens, même sans faciliter la vie de personne, au moins à redresser la tête pour sortir du schéma dominants/dominés. Comme Tupac ?
En tout cas, cela est suffisant pour qu’un slogan, en provenance des ghettos où Boosie se produit, lui soit sans cesse accolé : « He is the realest nigga since Tupac. »

Le Maire de Bâton Rouge

En 2007, après la sortie de Survival Of The Fittest, album réunissant toute la Trill Fam, Boosie est un véritable phénomène en Louisiane et est en passe de le devenir nationalement.
A Bâton Rouge, du petit qui à la crotte au nez jusqu’au voyou endurci par les années de prison, tout le monde est fan de celui que l’on surnomme Bad Azz. Quand sa mère traverse la ville en voiture, ce sont de véritables troupeaux d’enfants que l’on peut voir se former et se mettre à courir pour tenter de la rattraper, espérant apercevoir leur champion à travers les vitres.
De l’avis de tous ceux qui le côtoient dans la vie, quand Boosie redevient Torrence Hatch, l’homme est humble et n’a pour ambition que de faire profiter à sa communauté l’argent qu’il fait avec la musique. Quand il n’est pas sur scène ou en studio, Boosie est partout dans Bâton Rouge ; il joue au bingo à la maison de retraite, fait en sorte que chaque enfant de sa ville ait un vélo pour aller à l’école ou organise des repas de charité à Thanksgiving et Noël. Si bien que Connie Hatch en est certaine, si son fils se présentait aux élections, la mairie de Bâton Rouge serait à lui.
Torrence est aussi père de six enfants, qu’il élève avec leur grand-mère dans un gigantesque pavillon de la banlieue de Bâton Rouge ; le plus gros achat qu’il ait fait avec l’argent gagné de son marathon sans fin de concerts.

Une décennie pour possession de drogue

A 20 ans Boosie s’est vu diagnostiquer un diabète de type I, caractérisé par une soif et un appétit décuplé, un amaigrissement malgré une prise de nourriture abondante et un excès de glucose dans le sang. Forcé de contrôler systématiquement sa glycémie et de s’injecter plusieurs fois par jour de l’insuline, l’air que respire Boosie a constamment cette odeur oppressante d’hôpital et de pharmacie.
De son aveu, cette maladie a décuplé son aigreur et alimente la violence de ses textes ; « Maintenant c’est comme si même Dieu voulait ma mort ».

Evidemment Torrence Hatch n’est pas un saint. Si lui même n’a pas d’affiliation connue avec un gang, ni même la réputation d’être l’homme de ses chansons les plus violentes, être le rappeur préféré des hors la loi amène forcément à se retrouver avec un entourage aux casiers judiciaires chargés.
Comme énormément de rappeurs sur ce credo, il n’est donc jamais entièrement sorti des milieux crapuleux, même après sa relative réussite. Il utilise cela pour parfaire sa crédibilité de rue, mais en joue comme on joue avec le feu, surtout dans un milieu où l’on ne reste jamais longtemps sans ennemi, même en étant un artiste adulé.

La veille de la sortie de son deuxième album en major, Superbad : The Retour Of Boosie BadAzz, disque qui devait finir d’asseoir sa reconnaissance nationale, Boosie subit un contrôle de police. Un joint d’herbe roulé, un sac de marijuana et une arme à feu sont retrouvés. Torrence doit plaider coupable pour échapper aux peines très lourdes de l’état de Louisiane, et s’en « sort » avec deux ans de prison.
A l’annonce de son incarcération, fans, amis et familles sont dévastés. Mis de côté le fait que cette péripétie vient compliquer la promotion de son disque et sa volonté d’enfin exister durablement à l’échelle nationale, Bâton Rouge se sent déjà dépeuplé à l’idée de perdre Boosie pendant deux ans.
Des concerts sont organisés pour fêter les derniers mois de Boosie en liberté et aider à payer les frais du procès. Le studio de production vidéo Motion Family réalise un mini film sur les cinq derniers jours de liberté de Boosie, dans lequel on peut voir à quel point la population de Bâton Rouge, et évidemment surtout les membres de la famille Hatch, sont abattus par cette incarcération.
Mais dans les derniers instants la machine infernale commence à s’emballer. Le 10 novembre 2009, alors qu’il attend le début de sa peine de prison, Boosie est de nouveau contrôlé en possession de marijuana. La sanction est immédiate, sa peine de prison est doublée, et le voilà désormais équipé d’un bracelet électronique et placé en maison d’arrêt.

Pendant les années qui vont suivre, des évènements demandant la libération de Torrence Hatch seront organisés régulièrement, servant à mobiliser l’opinion mais aussi a continuer de réunir des fonds pour payer les frais d’avocat et faire vivre la famille nombreuse de Boosie qui se retrouve privée de son unique source de revenu.
Les affiches et les t-shirts marqués du slogan « Free Boosie » sont partout dans Bâton Rouge, et se répandent dans toutes les Etats-Unis via internet.
Il n’y a plus un article ou une vidéo à propos de Boosie qui ne soit pas, dans les minutes qui suivent leur mise en ligne, noyés sous des centaines de commentaires de fans.

« Free Boosie Bad Azz ! » ; « Free the realest ! ».

Deux ans plus tard, alors qu’il est incarcéré à Angola, le pénitencier de l’Etat de Louisiane, il est cette fois accusé d’avoir fait entrer du sirop à la codéine et de la marijuana en prison. Jugé pour ces faits, Boosie voit sa peine une nouvelle fois doubler ; 8 ans.

Derniers jours d’un condamné

En parallèle, une autre affaire va venir considérablement compliquer la situation de Boosie.
Le 21 octobre 2009, un dénommé Terry Boyd est assassiné à Bâton Rouge. L’auteur du crime, retrouvé avec l’arme, est immédiatement arrêté. Mais alors que les autorités proposent à l’assassin un allégement de sa peine en échange d’indications sur les affaires crapuleuses de la ville, ce dernier affirme qu’il a tué Terry Boyd parce que Lil Boosie le lui a demandé.

Mis à part ce « témoignage », il n’y a encore aujourd’hui aucune preuve que Boosie ait bel et bien commandité ce meurtre. Malgré cela le procureur Hillar Moore réclame que le jugement le plus sévère soit accordé au rappeur. Dans cette sombre affaire absolument vierge de preuve, le procureur affirme vouloir s’appuyer sur… les textes des chansons de Boosie pour prouver sa culpabilité. Quant au verdict, il sera proclamé par un jury entièrement anonyme, dont seul lui connait la constitution ; une première en Louisiane depuis presque 30 ans.

Le procès débutera le lundi 30 avril 2012. S’il est jugé coupable, Torrence « Lil Boosie » Hatch pourrait être condamné à mort.

Lil Boosie n’est pas Tupac, et pour retrouver chez le premier l’éclat du second, il ne faudra pas trop s’éloigner de Bâton Rouge. Néanmoins Boosie reste Boosie. Un excellent rappeur, maitre de l’auto célébration et de l’émotion voyou, qui a eu la chance de collaborer avec des très grands, que ce soit pour les productions (Pimp C, Mouse & B.J.) ou les featurings (Young Jeezy, B.G., Pimp C), pour offrir au rap sudiste des années 2000 quelques un de ses sommets avec Da Beginning, Bad Azz, Superbad ou Survival of the Fittest.

Lil Boosie est-il coupable ou non ? Au vu de la peine encourue ce n’est même pas important. Déjà enfermé pour presque dix ans pour possession de drogue douce et d’une arme à feu (rappelons si besoin est que nous sommes aux USA), le voilà une nouvelle fois, et comme des milliers d’autre américains, victime de l’absurdité de la justice Louisianaise.

Après l’annonce de la peine encourue, la famille a pu renforcer ses soutiens, venant d’habitants, d’internautes ou de rappeurs comme Young Jeezy à Atlanta ou Yo Gotti à Memphis, mais elle peine toujours à se faire entendre en dehors des réseaux et médias spécialisés dans le rap, n’ayant pour seule plateforme ce site internet : http://boosiejustice.com/

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