Cet après-midi, Thebe doit nager avec les baleines. Pour l’heure, il profite du jour à peine levé pour se faufiler discrètement de son bungalow, jusqu’à la salle informatique, afin d’y télécharger Illusion of Grandeur, la dernière mixtape du rappeur californien Lil B The Based God.
Pendant que ses camarades profitent de leur pause méridienne, en s’élançant du haut d’une cascade pour plonger dans le lagon par exemple, Thebe tente de leur transmettre sa passion pour le Based God, de leur parler de Waka Flocka, de la libération de Gucci Mane. Ce dernier s’est fait tatouer un cornet de glace sur la joue.
Il est l’heure pour Thebe d’aller nager avec les baleines. Avant, il passe par sa chambre, pour y cacher la clé USB contenant la mixtape téléchargée ce matin, en la glissant entre une biographie de Malcolm X et son exemplaire de L’avenir n’est plus ce qu’il était de Richard Fariña. Alors qu’il s’apprête à sortir, son professeur de plongée sous-marine, un polynésien aux épaules larges et aux tempes rasées, l’arrête.
Quelle que soit la règle transgressée, la punition est la même, ici, à la Coral Reef Academy ; un isolement du groupe, de ses repas sur la plage, de ses soirées à chanter, de ses jeux dans la jungle, le temps de réfléchir à sa faute. Mais le prof de plongée n’est pas au courant pour Lil B. Il vient annoncer à Thebe qu’il va avoir de la visite.
La dernière fois que Leila Steinberg s’est retrouvée impliquée dans la gestion de carrière d’un rappeur, c’était vingt ans plus tôt, après que le jeune Tupac Shakur soit venu assister à son cours de poésie. Désormais, à la demande de sa mère, elle s’occupera de Thebe Kgositsile, dit Earl Sweatshirt. Elle est venue le retrouver, ici, au Samoa, pour le rencontrer et le soumettre à des travaux d’écriture – une fois qu’il sera revenu de sa baignade avec les baleines.
illustration : Hector de la Vallée