deepdeep

Ses mots contre l’apartheid déclarés hors-la-loi, le poète dû fuir son pays natal. Il se réfugie aux Etats-Unis, où côtoyant les jazzmen, les écrivains, il entreprend de réunir toute la puissance créative noire dans un même mouvement, afin de mettre à jour un langage commun à la diaspora africaine.

Au plus haut de son succès, il souhaite retrouver l’Afrique. Pendant quinze ans, il enseigne, en Tanzanie, au Kenya, au Botswana, en Zambie, la peur au ventre, une arme à feu cachée entre ses livres et ses crayons, au cas où ses Némésis referaient apparition. Puis, un jour, Bra Willie est autorisé à revenir en Afrique du Sud, chez lui, pour célébrer la libération de son vieil ami Madiba.

Après cet exil, est-il vraiment chez lui ? Il apprécie sans doute d’être accueilli en héros, mais se sent en rupture avec ses racines, ses amis d’alors, sa famille et tout ce qu’il a pu connaître. Ceux-là sont aujourd’hui ses hôtes. Il est dur de le supporter. Des hôtes, sur sa terre natale. Elle n’est donc plus son pays. Il n’a plus de souvenirs ici, les rues ne le reconnaissent pas, il n’arrive plus à se les approprier.

Bien que tu restes
convaincu
d’être vivant
d’avoir quelque part
où aller
ta destination demeure
incertaine

Mais le poète dépasse ce sentiment de distance, sa destination n’est pas spatiale, certainement pas délimitée par de quelconques frontières, surtout tracées par un tyran. En reprenant le chemin de la didactique et du militantisme, les mots de Bra Willie se font moins impétueux, moins violents, se résolvent à une forme d’approximation, d’incertitude, pour dessiner des contours fluides et mouvants.

Méfie-toi, mon fils, les mots,
portent les résonances,
du désir aveugle…
J’ai aspiré à l’expression,
toutes ces années,
d’une élégance laissée, derrière l’éloquence des mots…
J’ai…
échoué, de tous les noms que j’ai porté

illustration : Hector de la Vallée

leave a comment

you have to be logged in to post a comment.